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Il n’y a pas de surprise ! La science-fiction est l’un des genres les plus populaires du cinéma actuellement, et c’est sans conteste le genre qui a le mieux défini notre relation au monde numérique qui nous entoure. Et les équipes de Plan.Net France ne font pas exception à ça !

À l’agence, quand on s’est interrogé sur nos imaginaires numériques, beaucoup de films de science-fiction ont été cités. Des grands classiques et quelques pépites oubliées, voire quelques scènes décalées auxquelles on n’aurait pas immédiatement pensé. On y croise des robots, des hackers, des ordinateurs et des intelligences artificielles, des cuisines automatiques et des vaisseaux spatiaux.

Bienvenue dans l’imaginaire cinématographique de Plan.Net France !

Réviser ses classiques

À tout seigneur, tout honneur. Difficile de parler de notre relation au numérique sans invoquer le terrifiant HAL de 2001, l’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick (1968) ou les réplicants chassés par Deckard dans le Blade Runner de Ridley Scott (1982).

Les deux films sont culte pour plusieurs personnes chez Plan.Net, notamment François, notre directeur conseil :

« Impossible de dire du mal de Blade Runner avec moi ! Ce film dit tout de notre relation aux machines et a inventé la science-fiction moderne au cinéma. On dit qu’avant Blade Runner, le futur était blanc, et qu’après il est devenu tout noir. Il est devenu aussi nettement plus intrigant ! »

François – directeur conseil

Ou encore Pierre-Emmanuel, le directeur général de l’agence :

« Outre une esthétique glaçante d’intemporalité, 2001 est un film qui aurait eu, pour moi, deux grandes vertus. La première, raconter une histoire comme il le voulait, sans tout dire, sans tout signifier à coups de surligneur. La seconde, dépeindre une intelligence artificielle qui, quand elle s’éteint, chante une chanson. On peut raconter librement, connecter comme on l’entend et, bientôt, les ordinateurs, eux aussi, auront besoin de chanter pour se rassurer. »

Pierre-Emmanuel – directeur général

Et on vous passe les citations de Matrix (Les Wachowski en 1999), de Ghost in The Shell (Mamoru Oshii en 1995) ou de Terminator 2 (James Cameron en 1992) par Thibault, François et Jean. Oui, nos imaginaires font la part belle aux classiques, voire aux grands classiques ! Pour Nicolas, directeur Innovation et Qualité dans nos bureaux rennais, on peut même remonter à 1927 pour comprendre la façon dont nous cohabitons avec les algorithmes. Pour lui, LE film de référence est le Metropolis de Fritz Lang :

« Ok, un film noir & blanc muet de 1927, c’est pas ce qu’il y a de plus accessible. Mais je le recommanderai sans problème aux générations Y, Z ou Alpha. Metropolis a préfiguré avec un siècle d’avance de nombreux aspects de nos vies modernes connectées et a également marqué à jamais notre vision des robots et de l’intelligence artificielle. »

Nicolas – directeur innovation et qualité

Représenter les ordinateurs

Mais loin des robots, de nombreux films décrivent également notre relation à l’outil informatique. Comment utilisons-nous, discutons-nous, travaillons-nous avec nos ordinateurs ? On pense, comme Kristell notre directrice commerciale, à la relation nouée par Joaquin Phoenix avec son système d’exploitation dans le Her de Spike Jonze (2014) :

« Est-ce que ce film est une comédie romantique ? Je n’en suis pas certaine, surtout que l’un des personnages est un programme informatique. Et pourtant on s’identifie… Est-ce que nous sommes réellement prêt à tomber amoureux d’un système d’exploitation ? L’intelligence artificielle pourrait-elle guérir les blessures ? Un amour préprogrammé pourrait-il éviter les cœurs brisés ? Qui sait… »

Kristell – directrice commerciale

Goldeneye - 1995

Mais on découvre également des références moins évidentes. Marc, directeur de production, évoque ainsi un épisode de la série des James Bond : Goldeneye (1995, Martin Campbell). Ici, c’est Pierce Brosnan qui incarne le célèbre agent et qui doit affronter la menace d’un piratage informatique mondial :

« »C’est ce film qui m’a fait comprendre qu’un jeune geek au fin fond d’une station en Sibérie était capable de hacker un radar situé à l’autre bout du globe.

Tout mon respect des développeurs doit venir de là. » 

Marc – directeur de production

Même regard de la part de Lucile, chef de projet, devant les écrans des ordinateurs de Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993).

« Sorti l’année de ma naissance, c’est au début des années 2000 que je découvre ce film pour la première fois. Consciente que ce film datait déjà un peu, je me souviens avoir réalisé pour la première fois à quelle point la technologie avançait vite et deviendrait omniprésent dans le futur.

La scène qui m’a le plus marqué est notamment celle ou Judy, la petite fille de mon âge, s’exclamait devant l’ordinateur «  »C’est un système Unix! » » et réussissait à fermer des portes à distance.

Avec le recul, il est bien possible que ce moment ait été un tournant m’encourageant à poursuivre ma curiosité envers l’informatique et le digital. »

Lucile – chef de projet

De là à penser que le film à inspirer une vocation, il n’y a qu’un pas !

Rire du numérique ?

On pourrait encore citer de nombreux films invoqués par nos équipes : le Wargames de John Badham sorti en 1983 – sans doute le premier piratage informatique à faire l’objet d’une véritable histoire sur grand écran – ou encore Retour vers le futur II (Robert Zemeckis en 1989) dont certaines scènes préfigurent notre relation actuelle au télétravail.

On gardera, par tendresse, une toute dernière citation. Celle d’un M Hulot cherchant à apprivoiser une cuisine automatisée dans le Mon Oncle de Jacques Tati (1958). Un film cher à Pierre-Emmanuel :

« Mon oncle c’est le zeste de citron dans le blanc en neige de nos vies numériques. Une cafetière incassable brisée, un placard à jamais ouvert, un canapé mis sur le côté pour dormir sur une courbe décorative bien plus confortable que l’assise de départ. L’amour de Tati pour le monde tel qu’il va clopin-clopant peut nous rassurer dans un univers de plus en plus prédictif. À chaque IA son M. Hulot. »

Pierre-Emmanuel – directeur général

Plus de cinquante ans après, il nous semble plus que jamais important de conserver le même humour tendre face à la technologie !

Les films de Plan.Net France

  1. 2001, l’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick 
  2. Retour vers le Futur II de Robert Zemeckis
  3. Blade Runner de Ridley Scott
  4. Ghost in the Shell de Mamoru Oshii
  5. Goldeneye de Martin Campbell
  6. Her de Spike Jonze
  7. Interstellar de Christopher Nolan
  8. Jurassic Park de Steven Spielberg
  9. Matrix des Wachowski
  10. Metropolis de Fritz Lang
  11. Mon Oncle de Jacques Tati
  12. Robocop de Paul Verhoeven
  13. Star Wars IV – Un Nouvel Espoir de Georges Lucas
  14. Terminator 2 de James Cameron
  15. Tron de Steven Lisberger
  16. Tron, l’Héritage de Joseph Kosinski
  17. Wargames de John Badham

Envie de plonger dans d’autres références de notre Pop Culture ? Prenez le temps de parcourir les imaginaires de Plan.Net France, il y a fort à parier que vous y reconnaîtrez certains des vôtres ! https://nosimaginaires.plan-net.fr

En relisant ces dernières semaines l’excellent Supercade [1] paru aux presses du MIT il y a cela près de 20 ans, je me faisais quelques réflexions sur la technologie et notre relation à celle-ci...

🎵 Salle d’arcade. Ambiance années 80. Démarrez donc la B.O. de Stranger Things
pour poursuivre la lecture de ce billet de blog…

Mais d’abord, pour ceux qui ne connaissent pas l’ouvrage, quelques mots sur Supercade. Abondamment illustré, ce bouquin est un concentré d’histoire des jeux vidéo, couvrant une période allant de 1971 à 1984 et orienté principalement sur le petit monde des salles d’arcade. Très américain dans l’âme, Supercade donne des bouffées de nostalgie à tout ceux qui ont dépensé de l’argent sur Galaxian en attendant leurs parents à la caisse du supermarché ou rêvé devant les écrans de Space Ace à la fête foraine du village. Une enfance biberonnée aux pixels, à une époque où le videogaming n’avait pas encore envahi les maisons, et où les enfants ne passaient pas encore leurs journées de confinement sur la Nintendo Switch ou la PS4 en attendant que leurs parents leur disent de bien finir leurs devoirs. Une époque où les jeux vidéo se consommaient dehors. Nostalgie, donc.

Le livre revient également sur les toutes premières élaborations de jeux sur écran, dans les salles sérieuses des universités américaines : au Laboratoire National de Brookhaven en 1958 et au MIT en 1962. Dans les deux cas, ces premières expérimentations sont le fait de passionnés.

Tennis for Two est là, sur la gauche de la photo.
Ce tout petit écran rond, avec les deux manettes de jeu juste en dessous.

Tennis for Two naît en 1958 à Brookhaven dans le cadre des journées portes-ouvertes du laboratoire [2]. L’idée est de démontrer aux visiteurs la puissance et l’attractivité des monstres informatiques qui occupent plusieurs salles des bâtiments, et le meilleur moyen de démontrer tout cela est… la conception d’une démonstration interactive sur écran. Autrement dit, un jeu. Le succès est au rendez-vous est Tennis for Two, une simpliste simulation de tennis sur oscilloscope (pas plus compliquée qu’un bon vieux Pong) devient le clou de la visite pour de nombreuses personnes.

Une partie endiablée de Spacewar! dans les locaux du MIT dans les années 1960.
Et vous ne voyez même pas la file d’attente des gamers un peu plus loin.

Autre glorieux vétéran, Spacewar! naît lui au MIT en 1962 dans des circonstances un peu différentes [3]. Les « coupables » sont cette fois les jeunes étudiants du Tech Model Railroad Club [4] du laboratoire, habitués à détourner les outils disponibles ici et là pour améliorer leur réseau de chemin de fer miniature. Littéralement tombés sous le charme d’un nouveau modèle d’ordinateur, ils se mettent au défi de le pousser dans ses retranchements à l’aide d’une démonstration technologique complexe. Quoi de mieux qu’une application interactive pour cela ? Un jeu ? Spacewar!, qui voit s’affronter deux vaisseaux autour d’un trou noir sera – réellement – un défi technologique. Conçu par des chercheurs et des ingénieurs, le jeu respectera le plus scrupuleusement possible les lois de la gravité ou la disposition des étoiles dans le ciel, demandant de multiples optimisations technologiques et informatiques avant d’être présenté à un public plus large. Le jeu aura un succès retentissant dans le milieu universitaire.

Viendra ensuite l’ère des businessmen, le développement des consoles de salon par les fabricants de télévision américains – Magnavox en tête – et la création de la première entreprise entièrement dédiée aux jeux vidéo : Atari. Mais c’est une autre histoire [5].

🎵 Une salle informatique, dans les années 1950.
Cette fois, un peu de Pierre Henry vous mettra dans l’ambiance.

Les premières pages de Supercade nous rappellent surtout que les jeux vidéo sont une invention de technophiles et de passionnés. Des types venus d’une époque où l’informatique était un fantasme qui s’était tout récemment concrétisé en quelques gigantesques armoires de métal. Une époque où le numérique n’avait pas encore envahi le quotidien de tout un chacun et faisait encore l’effet d’une vaste Terra Incognita. Une époque où l’exploitation des données de milliers de personnes par les premiers systèmes IBM n’avait pas encore soulevé de questions quant à notre dépendance aux octets et à l’impact des bases de données sur notre société et nos vies quotidiennes [6].

Supercade rappelle également que ces précurseurs ont été les premiers d’une lignée de passionnés qui ont fondé toute l’industrie des jeux vidéo : des codeurs, pour la plupart, apprenant à maîtriser tous les arcanes d’un processeur, à optimiser les affichages et qui voyaient parfois dans l’art vidéoludique plus qu’un business : un défi technologique et parfois une nouvelle forme d’expression.

Fin de la séquence nostalgie, retour au temps présent !

Nous vivons à la fois une période de techno-hystérie et de techno-doutes.

S’il ne devait y avoir qu’une seule image-symbole de l’emballement technologique
de notre société actuelle, ne serait-ce pas cette antenne 5G ?

De techno-hystérie car il n’a jamais été autant question de mettre de la technologie partout. Résultat de plus de soixante ans de lune-de-miel informatique, notre société vit dans le numérico-solutionnisme. Nous développons des solutions numériques pour tout : gérer des attestations [7], composter nos déchets [8], reporter les incivilités [9], allumer notre chaudière [10] et bientôt gérer notre conduite automobile en partenariat avec les sociétés d’assurance [11]. Certains – et pas des moindres – étudient même la possibilité de créer des arbres-technologiques destinés à absorber nos excédents de CO₂ [12], caricature s’il en était besoin de là où nous pousse la technologisation à outrance de toute réflexion.

« Oui, il y a une app pour ça aussi ! »

De techno-doutes car, en regard de cette course à la technologie qui rappelle les plus belles inventions du monde cyberpunk [13], les critiques n’ont jamais été aussi nombreuses. Souvent fondées face aux multitudes de projets de vidéosurveillance et de tracking de la population, face à l’emprise des régies publicitaires sur nos vies en ligne [14] et face à l’empire des GAFA sur la société au global [15] – aussi bien économiquement que technologiquement. Les voix se multiplient, les analyses s’affinent et les réflexions évoluent devant ce que les années 2010 nous ont vendu de panacée numérique. Le réveil techno-critique est à comparer au réveil écologique des années 1970 [16], en espérant toutefois son impact bien plus rapide et concret.

Rêvez-vous de balles multicolores qui rebondissent sans fin sur des écrans,
comme dans
les bonnes vieilles demos des Amiga ?

Cette période critique, charnière et passionnante fait toutefois se poser nombre de question, dont une d’importance : où est passé le rêve ?

Les proto-informaticiens des années 1950 rêvaient de l’ordinateur et de ses applications, tout comme Jules Verne rêvait de l’électricité et des transports émergents. Ils en rêvaient comme rêvent les artisans, concrètement, avec les mains – digitalement – en créant prototypes, expérimentations, démonstrations, monstres et artefacts. Ils ne rêvaient pas de solutions. Spacewar!, pas plus que Pong ou Space Invaders, n’est une réponse à un quelconque problème. Ils rêvaient de possibles. Puisque la technologie existe, il doit être possible de la pousser – gratuitement, sans but – plus loin encore que ce qu’elle ne réalise déjà. Les jeux vidéo, comme beaucoup des fantasmes technologiques d’aujourd’hui, n’ont pas d’objectifs. Ils étaient seulement possibles et on fait rêver des millions de personnes, bousculant à la fois le monde des loisirs, l’industrie balbutiante de l’électronique et de l’informatique et la culture populaire. Une sorte de porte ouverte vers un nouvel univers.

Que sont devenus ces rêves aujourd’hui ?

Rêvez de la technologie n’est plus à la mode… Tout d’abord parce que depuis les années 1990, le monde numérique s’est mâtiné de capitalisme. On n’explore plus les technologies pour le simple plaisir de voir ce qu’elles peuvent faire : on business-plane, on analyse, on solutionne, on start-upise. Le modèle des Business Angels de la Silicon Valley et la mythologie du garage sont passés par là, transformant toute expérience numérique en une culbute potentielle. Nous vivons à l’heure de la Start-up Nation et des investissements : les explorateurs, les poètes, les bénévoles de la technologie se font rares. Les ambitions sont-elles nombreuses

🎵 Le building de la Tyrell Corp dans le Blade Runner de Ridley Scott en 1982 (B.O. pour vos oreilles),
prototype du siège d’Apple ou Facebook ?

Ensuite, devant l’ampleur des empires techniques, on serait tenté de croire que le numérique n’est plus de toutes façons un monde de bricoleur, mais un univers de gigantesques corporations – coucou la Tyrell Corp [17] et l’univers cyberpunk de Blade Runner – et s’il reste des ingénieux capables de concevoir des boîtes à message branchées sur Telegram [18] ou des juke-box magnétiques [19], ce rêve numérique a du plomb dans l’aile. Peut-être parce qu’il a dévoilé trop de ses côtés obscurs – sociétaux, écologiques, cognitifs… et peut-être qu’après une période d’enchantement vient toujours la période des désillusions ? Peut-être un peu parce que le monde digital est également une cible facile en ces temps de crise – sanitaire, écologique, économique… – et que quitte à interdire aux enfants de rêver d’avions, on pourrait également leur interdire de rêver de robots ?

Rêvons-nous encore de moutons électriques ?

Les technophiles des années soixante, les chercheurs et les industriels qui travaillaient et découvraient les possibilités des gigantesques systèmes informatiques des universités et laboratoires d’état, ont donné naissance – pas tout à fait malgré eux – à une contre-culture solide qui a irrigué le monde. Plus artistique, plus libre, et quelque part plus responsable, la vague hippie des années 1970 est apparue en partie en réaction à l’American Way of Life et à la débauche d’écrans – de télévision – de l’Amérique moyenne. Et comme rien n’est jamais simple, elle a également joué de ses moyens technologiques pour diffuser son idéal, faire bouger les lignes et faire résonner ses revendications. Les écrans des networks établis sont également devenus les mégaphones de la contre-culture, les supports d’expérimentation des artistes des années soixante et soixante-dix. La technologie est devenue moyen de militantisme, arme de changement. Bien entendu, l’histoire est plus compliquée que cela.

Le maquillage anti-reconnaissance faciale, prochaine mode ?

Aujourd’hui, nos rêves se nourrissent d’autres idées. Des idées qui, sans exclure les outils technologiques, ne leur donnent plus forcément la part dominante. On parle du recyclage de la ville [20], on parle de créer de nouvelle mobilité, on parle de préserver l’anonymat sur le Net [21], on parle de révolutionner le monde de l’habillement et de laisser disparaître l’écologiquement désastreuse mode du Fast-Fashion [22], on parle aussi et surtout d’adapter nos innovations aux défis écologiques et sociétaux auxquels nous devons faire face sans pour autant tout sacrifier à la technologie.

Il est difficile de sortir de plus de cent-vingt ans de culte de la machine. Mais sans parler de retourner à l’ère de Amish – on ne l’a jamais réellement envisagé, l’imaginer est une caricature politique [23]il est difficile de nier que nos rêves sont en train de changer, et que la pandémie globale de Covid-19 qui fait danser l’humanité depuis plus d’un an a sans doute accéléré la valse de nos envies.

Le parallèle est tentant. Vingt ans après la première bulle du Net et après plus d’une dizaine d’années de techno-culte, ne sommes-nous pas en train de construire une nouvelle contre-culture sur le lit des réseaux sociaux et des technologies ouvertes ?

L’urbanisme circulaire n’est-il pas notre nouveau rêve de communauté ? La lutte contre la surveillance est-elle une nouvelle forme du refus de l’emprise administrative ?

Si le contexte s’est globalisé et concerne désormais le monde entier, et chacun d’entre nous, si l’urgence écologique est autrement plus urgente qu’elle ne l’était il y a cinquante ans, les parallèles sont troublants et la répétition d’un cycle d’action-réaction est flagrant. Loin des nouveaux amish, nous sommes peut-être les nouveaux hippies. Des hippies que ne nient pas l’apport de la technologie, qui en jouent et savent – parfois – en éviter les abus. Et qui veulent cette fois, au lieu de simplement l’explorer, en connaître les limites « humaines » et réfléchir à ses apports réels à la société.

Les créateurs de Tennis for Two et de Spacewar! rêvaient de technologie pure et voulaient pousser les machines dans leurs retranchements. Ils se voyaient en explorateurs d’un nouveau monde technologique. La génération qui a construit le Net des années 2000 est sans doute la dernière à avoir partagé ce rêve technologique pur.

Le dôme géodésique comme symbole des utopies des années soixante.
Quel symbole pour celles d’aujourd’hui ?

Aujourd’hui, nos imaginaires et nos ambitions ont besoin de se transformer.

En soixante ans, nous avons vu ce dont était capable la technologie et les dérives auxquelles elle pouvait mener. Nous maîtrisons les ordinateurs, mais il nous manque sans doute la sagesse de maîtriser l’usage que nous en faisons. Ne plus faire la technologie pour la technologie, passer le cap, voilà le défi que les nouveaux hippies ont besoin de relever. Redonner à l’homme une place centrale dans la révolution numérique, redonner à la Terre une place centrale également et continuer à construire des outils et des imaginaires qui servent ce recentrage.

Aujourd’hui, nos imaginaires ne sont sans doute plus ceux d’explorateurs. Noyés dans la technologie, nous rêvons d’une façon de ré-habiter le monde – et pourquoi pas avec l’aide des machines quand celles-ci sont positives, responsables et non-aliénantes.

Reste une bonne nouvelle : c’est que nous rêvons toujours.

Tom Cruise face à ses écrans dans Minority Report

Réfléchissez bien… Faites le tour des films et séries de science-fiction que vous avez vu au cours des dernières années. N’ont-ils pas un point commun ?

Bien sûr que si : les écrans transparents ! Regardez bien, ils sont partout !

C’est une gigantesque interface transparente que manipule Tom Cruise afin de prévenir les crimes dans Minority Report. C’est une interface tactile invisible qu’utilisent Tony Stark ou Black Widow pour mettre au point les tactiques d’attaque des Avengers. Et ce sont encore des écrans transparents qui permettent d’explorer la planète d’Avatar ou de contrôler les robots-boxeurs de Real Steal.

Aussi certainement que les voitures volantes marquaient la science-fiction des années 1980, l’écran transparent est aujourd’hui la signature du futur dans l’imaginaire collectif.

Mais dans la réalité, où en sommes-nous de ces interfaces transparentes ?

On a beau fouiller salles de bains et bureaux, si la révolution « tactile » a bien eu lieu, les écrans transparents n’ont pas encore envahi notre quotidien.

Ce n’est pourtant pas la technologie qui est en cause. Si l’on en croit les fabricants de tous bords, les interfaces transparentes sont aujourd’hui à portéé de… doigts. Des preuves, les interfaces tête haute ont commencé à équiper les voitures depuis quelques années. Elles permettent notamment de suivre la vitesse de son véhicule sans pour autant quitter la route des yeux, et surtout sans obstruer la vue du conducteur. De nombreuses marques, dont Jaguar ou Range Rover, ont travaillé à des affichages plus évolués, permettant d’afficher différentes informations sur l’environnement (les angles morts notamment) ou de substituer le pare-brise à l’écran du GPS. Mais on ne parle là que d’affichage, pas réellement d’interactivité.

Mais quand il s’agit de « cliquer » ou de manipuler des objets sur une surface transparente, le pare-brise n’est sans doute pas le meilleur lieu d’expérimentation, loin s’en faut. Alors, on imagine des vitres interactives à l’arrière du véhicule, sortent de tablettes transparentes permettant aux enfants de dessiner ou de zoomer sur le paysage lors de longs trajets. Toyota travaille notamment à ce concept depuis 2012 , sans qu’on l’ait vu pour l’instant dans nos campagnes. Même le célèbre MIT s’est penché sur cette révolution .

S’il faut parler d’interfaces « vitrées », la révolution a pour l’instant plutôt lieu dans la salle de bain. Les miroirs connectés ont été l’une des grandes innovations du CES 2019 à Las Vegas. Le principe est simple : à l’instar d’un iPhone, les miroirs sont connectés à des stores d’application qui permettent de vérifier les dernières actualités, la météo ou les notifications des réseaux sociaux tout en se brossant les dents. Cela ne garantit pas forcément une bonne hygiène bucco-dentaire, mais permet sans doute d’éviter que son Samsung Galaxy ne tombe malencontreusement dans le lavabo. Les tutoriels commencent même à fleurir sur YouTube, expliquant comment transformer un ordinateur Raspberry Pi ou une borne Alexa en « miroir intelligent ».

Consulter la météo ? On est quand même loin de Minority Report.

Et c’est peut-être que finalement la transparence n’est pas à chercher du côté des écrans. A bien y réfléchir, la technologie la plus prometteuse en termes de transparence n’est pas le verre… mais les projecteurs et les hologrammes. Et là, certaines expériences sont impressionnantes. On pensera, tout d’abord, aux écrans projetés des montres connectées, comme le Cicret Bracelet développé par une startup française et qui transforme votre avant-bras en un écran de smartphone. On pourrait également penser aux tests effectués par quelques entreprises, comme Thyssenkrupp, pour faciliter les opérations de maintenance de ses équipes. Equipés de casque Hololens de Microsoft, les opérateurs de ce fabricant d’ascenseurs peuvent ainsi voir, en superposition de leur intervention, les instructions de maintenance nécessaires.

Et pour compléter cela, on pensera enfin à Soli, le projet de Google destiné à interpréter nos gestes et à les transformer en commandes pour les smartphones. Après tout, nous utilisons déjà des interfaces gestuelles dans les jeux vidéo. Elles y sont simplement un peu moins sophistiquées. Alliée à des hologrammes ou à un écran projeté, on s’approche doucement de Minority Report.

Concrètement, elle est où la transparence ?

Les technologies de la transparence, plus ou moins avancées, sont donc là. Pourquoi, alors que les prototypes évoqués ici datent pour certains de 2012, ne vit-on pas au quotidien dans un univers digne d’Iron Man ?
En fait, en l’état des usages, il y a aujourd’hui peu de chance que nous voyons débarquer des écrans transparents sur nos smartphones et ordinateurs.

Pensez-donc à la façon dont vous utilisez aujourd’hui ces écrans : Netflix ? Instagram ? Et des emails professionnels ? Comment réagiriez-vous si le clavier sur lequel vous tapez vos SMS laissez voir votre pantalon ou le sol du métro ? Si l’écran de votre TV 4k prenait légèrement la teinte de votre papier-peint plutôt qu’un noir franc pendant les scènes de nuit des meilleures séries d’horreur ? Cela ne semble pas pratique. Car si les technologies existent et font vibrer les salons de l’innovation, nous n’avons aujourd’hui pas l’usage pour les écrans transparents. Nous voulons avant tout de belles images, et cette course à la qualité n’est compatible qu’avec un environnement visuel totalement maîtrisé : un fond noir ou un fond blanc. Ici la transparence n’est pas de mise.

Reste que les expériences de Jaguar, Toyota ou Tyssenkrupp ouvrent la voie à des usages précis : l’information ou la formation professionnelle dans un cadre maîtrisé, l’assistance à la conduite ou à la manipulation… En fait, des usages cadrés et souvent professionnels où les écrans ne doivent pas « distraire » une opération délicate.

Dans ces usages, la transparence fonctionne en fait déjà. La science-fiction s’est finalement moins trompée sur ça que sur les voitures volantes.