Tom Cruise face à ses écrans dans Minority Report

Réfléchissez bien… Faites le tour des films et séries de science-fiction que vous avez vu au cours des dernières années. N’ont-ils pas un point commun ?

Bien sûr que si : les écrans transparents ! Regardez bien, ils sont partout !

C’est une gigantesque interface transparente que manipule Tom Cruise afin de prévenir les crimes dans Minority Report. C’est une interface tactile invisible qu’utilisent Tony Stark ou Black Widow pour mettre au point les tactiques d’attaque des Avengers. Et ce sont encore des écrans transparents qui permettent d’explorer la planète d’Avatar ou de contrôler les robots-boxeurs de Real Steal.

Aussi certainement que les voitures volantes marquaient la science-fiction des années 1980, l’écran transparent est aujourd’hui la signature du futur dans l’imaginaire collectif.

Mais dans la réalité, où en sommes-nous de ces interfaces transparentes ?

On a beau fouiller salles de bains et bureaux, si la révolution « tactile » a bien eu lieu, les écrans transparents n’ont pas encore envahi notre quotidien.

Ce n’est pourtant pas la technologie qui est en cause. Si l’on en croit les fabricants de tous bords, les interfaces transparentes sont aujourd’hui à portéé de… doigts. Des preuves, les interfaces tête haute ont commencé à équiper les voitures depuis quelques années. Elles permettent notamment de suivre la vitesse de son véhicule sans pour autant quitter la route des yeux, et surtout sans obstruer la vue du conducteur. De nombreuses marques, dont Jaguar ou Range Rover, ont travaillé à des affichages plus évolués, permettant d’afficher différentes informations sur l’environnement (les angles morts notamment) ou de substituer le pare-brise à l’écran du GPS. Mais on ne parle là que d’affichage, pas réellement d’interactivité.

Mais quand il s’agit de « cliquer » ou de manipuler des objets sur une surface transparente, le pare-brise n’est sans doute pas le meilleur lieu d’expérimentation, loin s’en faut. Alors, on imagine des vitres interactives à l’arrière du véhicule, sortent de tablettes transparentes permettant aux enfants de dessiner ou de zoomer sur le paysage lors de longs trajets. Toyota travaille notamment à ce concept depuis 2012 , sans qu’on l’ait vu pour l’instant dans nos campagnes. Même le célèbre MIT s’est penché sur cette révolution .

S’il faut parler d’interfaces « vitrées », la révolution a pour l’instant plutôt lieu dans la salle de bain. Les miroirs connectés ont été l’une des grandes innovations du CES 2019 à Las Vegas. Le principe est simple : à l’instar d’un iPhone, les miroirs sont connectés à des stores d’application qui permettent de vérifier les dernières actualités, la météo ou les notifications des réseaux sociaux tout en se brossant les dents. Cela ne garantit pas forcément une bonne hygiène bucco-dentaire, mais permet sans doute d’éviter que son Samsung Galaxy ne tombe malencontreusement dans le lavabo. Les tutoriels commencent même à fleurir sur YouTube, expliquant comment transformer un ordinateur Raspberry Pi ou une borne Alexa en « miroir intelligent ».

Consulter la météo ? On est quand même loin de Minority Report.

Et c’est peut-être que finalement la transparence n’est pas à chercher du côté des écrans. A bien y réfléchir, la technologie la plus prometteuse en termes de transparence n’est pas le verre… mais les projecteurs et les hologrammes. Et là, certaines expériences sont impressionnantes. On pensera, tout d’abord, aux écrans projetés des montres connectées, comme le Cicret Bracelet développé par une startup française et qui transforme votre avant-bras en un écran de smartphone. On pourrait également penser aux tests effectués par quelques entreprises, comme Thyssenkrupp, pour faciliter les opérations de maintenance de ses équipes. Equipés de casque Hololens de Microsoft, les opérateurs de ce fabricant d’ascenseurs peuvent ainsi voir, en superposition de leur intervention, les instructions de maintenance nécessaires.

Et pour compléter cela, on pensera enfin à Soli, le projet de Google destiné à interpréter nos gestes et à les transformer en commandes pour les smartphones. Après tout, nous utilisons déjà des interfaces gestuelles dans les jeux vidéo. Elles y sont simplement un peu moins sophistiquées. Alliée à des hologrammes ou à un écran projeté, on s’approche doucement de Minority Report.

Concrètement, elle est où la transparence ?

Les technologies de la transparence, plus ou moins avancées, sont donc là. Pourquoi, alors que les prototypes évoqués ici datent pour certains de 2012, ne vit-on pas au quotidien dans un univers digne d’Iron Man ?
En fait, en l’état des usages, il y a aujourd’hui peu de chance que nous voyons débarquer des écrans transparents sur nos smartphones et ordinateurs.

Pensez-donc à la façon dont vous utilisez aujourd’hui ces écrans : Netflix ? Instagram ? Et des emails professionnels ? Comment réagiriez-vous si le clavier sur lequel vous tapez vos SMS laissez voir votre pantalon ou le sol du métro ? Si l’écran de votre TV 4k prenait légèrement la teinte de votre papier-peint plutôt qu’un noir franc pendant les scènes de nuit des meilleures séries d’horreur ? Cela ne semble pas pratique. Car si les technologies existent et font vibrer les salons de l’innovation, nous n’avons aujourd’hui pas l’usage pour les écrans transparents. Nous voulons avant tout de belles images, et cette course à la qualité n’est compatible qu’avec un environnement visuel totalement maîtrisé : un fond noir ou un fond blanc. Ici la transparence n’est pas de mise.

Reste que les expériences de Jaguar, Toyota ou Tyssenkrupp ouvrent la voie à des usages précis : l’information ou la formation professionnelle dans un cadre maîtrisé, l’assistance à la conduite ou à la manipulation… En fait, des usages cadrés et souvent professionnels où les écrans ne doivent pas « distraire » une opération délicate.

Dans ces usages, la transparence fonctionne en fait déjà. La science-fiction s’est finalement moins trompée sur ça que sur les voitures volantes.