A retenir.

Toutes les actions de marketing et de création de contenu
sont-elles réalisées dans le seul but d’être utiles au consommateur ?
Soyons honnêtes, c’est plus complexe que ça !

Avez-vous une stratégie de Noise Marketing ?

9 mn de lectureDepuis plus de 15 ans, des premières plateformes d’hébergement gratuits de sites Web à la folie des blogs et des réseaux sociaux, le contenu digital croît de manière exponentielle. L’humanité produit en 12 mois autant de matière – textes, photos, vidéos – que pendant toute son histoire [1]. Cette manne de contenu, désormais facile à produire et à partager, est devenue avec la Data l’un des deux carburants du marketing et des stratégies de communication. Jusqu’à l’épuisement du sens…

Le contenu, c’est facile !

La faute aux outils, bien entendu. Il n’aura jamais été aussi facile qu’en 2017 de créer du contenu et de le partager. Jetez un œil à ce qu’il se passe en une minute sur Internet [2], si l’on se concentre uniquement sur les aspects de création :

60 secondes sur Internet

500 heures de vidéos mises en ligne chaque minute, 65.000 photos postées sur le Instagram, 500.000 tweets partagés… pour ne se concentrer que sur les contenus les plus faciles et les plus tendances. On ajoute à cela la production des contenus professionnels de fond : les articles de presse ou de blog, les livres blancs, les dossiers, les vidéos long format qui s’empilent sur différents supports et sites… Un véritable tsunami de contenu.

La cause de cet croissance incontrôlée des contenus ? La simplification des moyens de production avant tout, et le smartphone en tête. Ce petit bout d’électronique fait que nous avons, chacun, et en permanence, un appareil photo, une machine à écrire et une caméra dans la poche. Voilà qui permet de saisir n’importe quel moment de notre quotidien [3] ou de capter au vol n’importe quelle idée de contenu. Quel professionnel n’a pas débuté un article dans le métro, comme jadis on sortait un calepin pour capter quelques notes au grès du vent ?

Les connexions Wifi ou 4G permanente ajoute à cette capacité de production la capacité de partage et de diffusion permanente et en quasi temps réel de tous les témoignages du quotidien. Au temps pas si ancien de l’appareil photo numérique, il fallait encore allumer son ordinateur et trier le contenu d’une carte-mémoire pour partager les photos de vacances avec ses grands-parents. Aujourd’hui, la prise de photo est native dans nos applications sociales. Les modules d’édition de texte sont captifs des plateformes de contenus – WordPress, Medium… – et l’usage d’un traitement de texte devient presque une anecdote réservée aux plus anciens condottieres du contenu.

Snap Spectacles, la création photo accessible en permanence

Tant que les outils seront simples et accessibles – et ils vont se simplifier encore dans les années à venir avec les lunettes connectées ou la reconnaissance vocale – l’invasion des contenus continuera… Inutile de résister.

Le nouvel eldorado du marketing

Pour autant, l’accessibilité des outils n’a pas transformé tout le monde en artiste, tout comme la démocratisation de la machine à écrire n’a pas transformé tout être humain en prix Nobel de littérature… Profusion ne rime pas forcément avec qualité.

On ne rentrera pas dans une discussion de psychologie humaine autour des raisons qui nous poussent à prendre de plus en plus de photos avec nos smartphones, et à les partager en ligne. Il peut toujours être légitime de partager des souvenirs avec un cercle fermé de connaissances… Pour la suite de ce billet, on se penchera uniquement sur la communication des marques, et les raisons business – marketing ou commerciales – qui poussent les annonceurs dans la course à la création de contenu.

Weight Watchers produisait déjà du contenu appétissant dans les années 70

En effet, de plus en plus de marques se sont lancées dans des stratégies de Content Marketing. Le but ? Augmenter sa visibilité, sa notoriété et son chiffre d’affaires par le biais de la création de contenu. Les moyens mis en place sont nombreux et les exemples ne manquent pas [4]… Si la stratégie du « contenu annexe au produit » n’a rien de réellement nouveau – on collectionnait les fiches cuisine de Weight Watchers dans les années 1970 [5], ou les fiches bricolage de Castorama dans les années 1980 – le Net a drastiquement multiplié les typologies de contenu et les supports exploitables.

Rien qu’un exemple ? Pour une enseigne de bricolage comme Leroy Merlin, le contenu digital se décline en guide d’achat [6], en vidéo explicative sur les aménagements de la maison [7] ou encore en diaporama servant de source d’inspiration [8] pour le client final. Du contenu légitime qui intervient dans une posture de conseil de l’enseigne face à ses clients. On ajoute à ça un « Magazine de la maison » [9], plus orienté tendance et moins pratique, ainsi qu’une communauté très forte et active qui se charge de produire le sacro-saint User Generated Content – contenu jugé le plus fiable par les consommateurs [10]. Tout cela encore une fois est extrêmement légitime :

Leroy Merlin et son magazine en ligne

Du contenu, ou du bruit ?

Mais il est des contenus moins avouables, s’ils ne sont pas forcément moins utiles. Parmi les stratégies de contenu déployées par les marques, il en est qui ne visent pas directement le consommateur et n’entendent pas réellement répondre à ses attentes et à ses besoins. On parlerait volontiers de bruit…

64% de ce qui es publié en ligne est du copié-collé pur et simple

Une étude révélait il y a quelques mois que 64% du contenu publié sur le Web n’était en réalité que du copier/coller [11]. Recrudescence d’un phénomène ancien, à l’heure du digital la presse assure sa visibilité grâce aux contenus fournis par l’AFP et repris tels quels dans ses colonnes. L’idée derrière ça ? Ne pas disparaître de l’esprit de ses lecteurs et de ses clients et s’assurer une présence continue dans leur univers digital via la diffusion de « bruits », même non pertinents. A l’heure de la baisse généralisée du temps d’attention [12] et des micro-moments, on oublie rapidement une marque…

Cette overdose de copier/coller n’est qu’une partie assez facilement visible du tsunami de bruit généré par les marques sur le Net. Générer du bruit : la base même du Noise Marketing.

Ne plus parler aux consommateurs

Sous le terme Noise Marketing – par opposition au Content Marketing – on regroupera l’ensemble des stratégies de contenu qui ne s’adressent pas directement aux consommateurs, mais visent plutôt à séduire les algorithmes.

Il peut s’agir d’assurer une fréquence de publication et de partage suffisamment forte pour plaire aux réseaux sociaux : une page Facebook qui ne parle pas assez souvent à ses fans perd de l’engagement, et donc de la portée pour ses prochains contenus [13]. La durée de vie des contenus sur les réseaux sociaux – le temps pendant lequel une publication reste visible par votre communauté – incite également à publier souvent un contenu…

Il peut s’agir également d’assurer une certaine fraîcheur au contenu d’un site Web – via la mise en ligne d’un blog ou d’articles d’actualité – afin de s’assurer que les robots d’indexation de Google visitent ses pages le plus régulièrement possible. Un contenu frais, et des visites régulières du crawler, font partie des critères qui comptent encore pour assurer le bon positionnement d’un site dans les pages de résultats des moteurs de recherche. De même, la création de contenus dans le seul but d’obtenir des liens entrants depuis un blog ou un annuaire tiers, sans souci de trafic, fait partie des stratégies fortement poussées par les référenceurs.

Quand on publie à outrance les mêmes contenus sur Twitter, ou quand on contacte un blogueur pour qu’il publie un lien vers notre produit phare, s’adresse-t-on réellement au lecteur ou cherche-t-on seulement la bienveillance des algorithmes ?

Il semble évident que c’est avant aux algorithmes des tout-puissants moteurs de reach du Net que l’on pense. Si on oublie l’hypocrisie de la majorité des stratégies de Brand Content, on est forcé d’admettre qu’une grande partie des contenus produits ne s’adressent pas aux lecteurs et n’ont pas réellement d’utilité : ils sont avant tout du bruit destiné à assurer qu’une marque existe en permanence sur le Net et sera d’autant plus entendu quand elle émettra une parole réelle dotée de sens.

Bienvenue dans l’univers du Noise Marketing !

Faut-il condamner ces pratiques ? Elles ont l’avantage d’être performantes et d’assurer visibilité et chiffre d’affaires aux marques via les réseaux sociaux et moteurs de recherche. Pour vicieuses et tendancieuses qu’elles soient, ce Noise Marketing est une conséquence directe du fonctionnement actuel du Net, qui délègue de plus en plus la qualification des contenus aux robots et aux algorithmes, et favorisent souvent la production de masse plutôt que la rareté et l’hyper-pertinence, même si beaucoup s’en défendent… Mais malheureusement, ces pratiques contribuent également à un très grand travers du net actuel : l’infobésité. Et soyons lucides, l’arrivée de l’intelligence artificielle dans la production de contenu [14] ne va certainement pas arranger les choses.

Les algorithmes, pour être séduits, demandent des pratiques bien à part, des réflexes de communication qui ne sont pas ceux qu’on utiliserait face à des clients humains… et forcément des objectifs et des KPI qui sont leur sont propres. Pour la mise en place d’une campagne de Noise Markeitng, on ne se souciera pas de l’engagement sur les réseaux sociaux ou du nombre de visiteurs ramenés sur le site de l’annonceur. On utilisera des indicateurs de performance plus techniques :

  • Le volume d’internautes exposés à un flux de publications sur les réseaux sociaux ;
  • La quantité de liens engrangés depuis différents blogs vers un article ou une fiche produit ;
  • Le nombre de position prises par une page de son écosystème sur Google pour un mot-clé relatif à sa marque ;
  • La quantité de citations d’une marque sur un type site précis…

Autant d’indicateurs qui ne révèlent pas d’un intérêt des internautes ou des consommateurs, mais bel et bien de la capacité d’une marque à occuper le terrain. Des indicateurs avant tout techniques. Bref, des révélateurs d’une stratégie bien indépendante de celle qu’on met habituellement en place face aux consommateurs. Autant assumer tout cela et ne pas se cacher derrière des bonnes pratiques de contenu qui ne peuvent pas être respectées.

Cela mérite bien un nom à part : bienvenue dans le monde du Noise Marketing !

Les inspirations

– Un album: (Who’s afraid of) the Art of Noise (Art of Noise – 1984)
– Un film : The Truman Show (Peter Weir – 1998)
– Un Livre : Bien rédiger pour le Web (Isabelle Canivet-Bourgaux – 2017)

Les sources de cet article
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1 réponse
  1. Aurélien
    Aurélien dit :

    Le noise marketing est il le père ou l’enfant du bullshit marketing ?
    Car au final, assumer que l’on fait du contenu pour conserver un reach ou pour générer du trafic « naturel », c’est avant tout vendre de la pseudo notoriété et essayer de rediriger les internautes vers le produit final présenter sur notre site et cela pour des sommes de plus en plus importantes… il suffit d’observer les budgets des agences de comm’ pour le « Content Marketing » ou « Brand Content » ou pour Facebook pour comprendre que le ROI, voire même que la stratégie n’est pas vraiment comprise ou réfléchie par les marques.

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