Ce billet vient en introduction de la conférence Yoodx – à laquelle l’agence Plan.Net France participe – qui se tient demain, mercredi 18 janvier, au Palais des Festivals de Cannes, en marge du salon Voyages en Multimédia.

2017 serait, encore une fois, l’année du contenu dans l’univers digital. Et pourtant, cela fait plus de 20 ans que les acteurs du Net s’échinent à trouver des moyens d’animer ou d’intéresser leurs clientèles par des biais éditoriaux. On a connu les sites expérientiels, les blogs, le micro-blogging, le community management, l’explosion de la vidéo et aujourd’hui le live. Mais que veulent réellement les internautes en 2017 ?

Tous des poissons-rouges ?

Il y a presque 22 ans, en juin 1995, la NASA lançait « Astronomy Picture of the Day », une page Web proposant chaque jour une photo issue de sa base de contenu, commentée par un scientifique. Plus de deux décennies plus tard, le site est toujours là, animé quotidiennement. Et l’ensemble des archives de cette chaîne éditoriale sont toujours accessibles au plus grand nombre.
Mais aujourd’hui, diffuser une nouvelle image chaque jour, même quand on est la NASA, ça ne suffit plus. Smartphone, vidéo et banalisation du canal digital sont passés par là. S’il faut parler chiffres, on s’attardera sur quelques éléments marquants de la consommation de média digital en France actuellement :

  • En octobre 2016, les Français ont consommé 298 millions d’heures de vidéo sur Internet.
  • Plus de 30% de l’audience Internet globale en France passe par un terminal mobile, avec une grande disparité suivant les usages identifiés : 46% des contenus vidéos sont consultés sur Mobile, 50% des recherches Google sont effectuées sur mobile et 84% des utilisateurs Facebook se connectent au moins une fois par mois via un terminal mobile.
  • Enfin, en 13 ans – entre 2000 et 2013 – le temps moyen d’attention des êtres humains a diminué de 30%, baissant de 12 secondes à 8 secondes actuellement. En comparaison, le poisson-rouge est réputé avoir un temps d’attention de 9 secondes, soit légèrement supérieur à l’humain moyen.

Nomadisme et attention décroissante : nous sommes bel et bien entrés dans l’ère du Content Snacking.

Entertain me !

Mais au-delà de la consommation technologique pure, les formats plébiscités ont également fortement évolué. Interrogés sur le type de contenu qu’ils préfèrent consulter s’ils ont 15 minutes devant eux, les Français répondent :

  • 51% l’actualité en vidéo plutôt que des articles ;
  • 58% des histoires brèves sur les tendances actuelles plutôt que de longs textes ;
  • 62% en priorité un contenu joliment présenté plutôt qu’un contenu « simple ».

L’ensemble se résume facilement : 42% des Français avouent préférer un contenu « Distrayant » plutôt qu’un contenu « Exact ». 54% de ces mêmes lecteurs avouent qu’ils choisissent un contenu plutôt qu’un autre en fonction du design ou de la mise en forme de celui-ci.

Comme en immobilier, c’est la première impression qui fait souvent foi quand un site Internet aborde un contenu : est-ce sexy, attirant, bien présenté, gentiment trash, partageable ? Avant de se pencher sur le propos lui-même, le mobinaute se penche sur la forme et se demande si les 15 minutes qui arrivent vont bel et bien être agréables, plutôt que fastidieuses. Si les médias qu’il va consulter, recommandés par ses amis ou par une marque, vont provoquer du plaisir immédiat plutôt que la torture de ses méninges. Car le contenu lui-aussi est entré dans l’ère de la gratification !

Mais cette ère du plaisir éditorial et digital marque également la fin de la patience technologique, le refus des frustrations.

Encore, toujours l’excellence technique

Qu’est-ce qui fait aujourd’hui qu’un individu stoppe la lecture d’un contenu, abandonne un article ou une vidéo dont l’accroche ou le sujet l’avaient pourtant séduit :

  • 42% parce que les images ne se chargent pas ;
  • 42% parce que le temps de chargement est trop long ;
  • 34% parce que le contenu ne s’affiche pas correctement sur mon terminal ;

Dans un monde où Internet est devenu un outil du quotidien, où l’on dégaine 150 fois son téléphone par jour pour une interaction, la panne n’est plus « comprise ». En fait, en se transformant en un service de base, Internet a réduit le seuil de tolérance des Internautes à ses aléas, et la technologie s’est doucement effacée aux yeux du grand public pour devenir quelque chose de désormais « normal », presque « dû ».

Les acteurs du eCommerce vous le diront : on a en général 3 secondes pour convaincre l’internaute qu’il a fait le bon choix quand il arrive sur une landing page. Trois secondes durant lesquelles tout contenu doit être chargé et les arguments clés du produit doivent apparaître distinctement. Cette règle immuable du eCommerce est aujourd’hui vraie également dans le monde du contenu.

Bienvenue, M Loyal !

En fait, si on met en perspective la pléthore de chiffres égrainée depuis le début de ce billet, on se rend compte d’une chose : on n’a quasiment pas parlé de contenu. On n’aborde pas les sujets, les angles, les opinions qui feraient qu’un Internaute préférerait consulter tel blog à tel site de marque…

En fait, on assiste en 2017 à une inversion des rôles du fond et de la forme, conséquence logique de la popularité du Net et de l’omniprésence des « plateformes » dans le paysage numérique. Le trafic organique n’existe plus – ou si peu – et ce qui en restait a été préempté en fin d’année dernière par l’émergence des plateformes de diffusion de contenus de Google et Facebook – AMP et Instant Articles. Il est devenu aujourd’hui quasiment impossible de toucher « naturellement » une cible avec un contenu éditorial. Une stratégie éditoriale revient à opérer des choix techniquesSur quelle plateforme vais-je diffuser ? – des choix marketingAvec quelle audience vais-je partager mon contenu ? – et des choix publicitairesSur quelle régie native ou sociale vais-je toucher cette audience ?

Les choix éditoriaux viennent malheureusement ensuite et deviennent au mieux des arbitrages de fidélisation, au pire des choix de mise en forme visant à s’assurer que l’internaute prête attention à un contenu dans un univers d’infobésité grandissant. C’est dit : ce n’est pas le contenu qui fait l’audience, c’est sa mise en forme, son habillage et son excellence technique. Pour preuve, quand le Figaro propose un nouveau format narratif, il ne parle pas de la façon dont il racontera les histoires, mais des avantages ludiques (le swip) et techniques (le mobile first) de sa plateforme. Le contenu lui-même n’importe plus, même pour un groupe de presse historique.

En fait, le Content Marketing, tant vanté par de nombreux acteurs du digital en 2017, s’apparente de plus en plus à la mécanique ancestrale des cirques. Si tout le monde s’émerveille devant les numéros des jongleurs, des acrobates et des clowns (le contenu), c’est aussi car Monsieur Loyal (la mise en forme) en a fait une présentation édifiante et que les éclairagistes (l’excellence technique) mettent ceux-ci en valeur au milieu de la piste. Le contenu en 2017, pour fonctionner réellement, a besoin à la fois des techniciens et d’un M Loyal pour s’assurer d’attraper au vol les futurs spectateurs.

Même si au final, on se souviendra surtout des artistes, et on reviendra peut-être pour eux.

Et pour continuer à s’inspirer…