On revient sur la notion d’Experience Map, déjà présentée dans le dernier billet. Cette démarche permet d’envisager l’ensemble des réponses possibles d’une marque aux comportements d’un consommateur. Que ce dernier soit en recherche active d’un produit, ou simplement en phase d’exposition à une communication, l’Experience Map permet logiquement de définir les messages et la posture que doit adopter une marque, aussi bien online qu’offline.
Mais il y a un point qu’une Experience Map seule ne peut pas régler, ce sont les ruptures d’expérience. Pour éviter celles-ci, il faut également penser architecture de l’information et organisation de l’entreprise.
Les ruptures, une frustration pour le client
La question des ruptures est au cœur de toute relation client. En tant qu’usager d’un service, c’est quelque chose que nous avons tous vécu un jour avec plus ou moins de bonheur. C’est par exemple devoir redonner à une entreprise de livraison son adresse précise après une commande sur Internet. Devoir rappeler soi-même un réparateur pour connaître la disponibilité d’une pièce manquante…
La rupture, c’est ce moment où l’information relative à un dossier ou un client ne se propage pas entre ses différents points de contact. Ce moment provoque une frustration – ou une répétition – dans la relation entre marque et consommateur. La question des ruptures était au cœur des discussions menées au début de mois de décembre par Le Hub La Poste, avec différents retours de d’expérience du cabinet de consulting McKinsey, de la compagnie d’assurance Macif et de Voyages-SNCF.
Le cabinet McKinsey y soulignait l’importance de redéfinir l’expérience d’un client comme une préoccupation globale et unifiée pour la marque. Globale, car celle-ci doit concerner l’ensemble des composantes de l’entreprise. Unifiée, car ces services de l’entreprise doivent s’assurer d’avoir une vision commune du client et donc éviter les ruptures pour ce dernier. D’après le cabinet, traiter une expérience client globale permet à la fois d’améliorer la satisfaction des clients mais également la satisfaction interne des employés – ceux-ci se sentant valorisés dans le service qu’ils rendent – voire de réduire les coûts de service. La raison est simple : moins de rupture dans une expérience multicanale veut dire moins de déperdition d’information pour les équipes et donc moins de temps passé dans le traitement des dossiers, que l’on parle d’une vente en ligne, d’une relation « physique » avec le client ou d’un service après-vente.
Et surtout, McKinsey le rappelait également : cinq interactions ayant chacune un taux de satisfaction de 90% ne font pas une expérience globale satisfaisante à 90%… Car les ruptures entre différentes « bonnes expériences » cassent souvent la dynamique d’une relation. Voilà pourquoi il convient de penser des parcours globaux, et surtout l’interaction entre les différents moments de relation avec un consommateur.
Eviter les ruptures, c’est anticiper
Mêmes sons de cloche chez la Macif et dans le secteur de l’assurance au global. Ici, l’interaction « physique » (en agence ou par téléphone) reste très importante, notamment pour le traitement des sinistres. Il est donc crucial que les informations relatives à un client ou à une situation soient exploitables quel que soit le canal de communication, afin que l’assuré n’ait pas à réexpliquer sa problématique parce qu’il passe de l’agence au téléphone, ou du mail à l’agence. Il s’agit toujours d’éviter les ruptures.
Pour éventuellement contrer ces pertes d’information, l’assureur évoque l’optimisation de chacune des interactions dans l’amélioration de l’expérience client : ce qui peut être traité en un seul contact doit être traité en un seul contact – d’où l’importance de l’accès à l’information pour les équipes internes de l’entreprise. Et ce qui peut être anticipé doit également l’être, pour éviter encore une fois les frustrations pour le consommateur.
Chez Voyages-SNCF, même problématique et mêmes démarches, d’autant que l’achat d’un billet de train est de plus en plus vécu comme une simple commodité. Il est crucial que l’expérience sur n’importe quel canal soit rapide et cohérente avec les autres interactions déjà effectuées.
Mais Voyages-SNCF veut aller plus loin en prenant en compte sur tous ces canaux la personnalisation de l’expérience client : tout message passé à un client doit prendre en compte la situation personnelle du consommateur. Au-delà de la simple relation client, l’entreprise envisage donc que la page d’accueil même de son site soit repensée en fonction du client qui la visite. On imagine l’affichage des prochains voyages prévus pour les clients ayant déjà réservés des billets de train. Ou la mise en avant des destinations et horaires les plus fréquemment utilisés pour favoriser un achat rapide. VSC dessine un monde, a minima digital, dans lequel on ne pense plus l’expérience utilisateur de façon abstraite mais où l’on construit autant de scénarios de déploiement possible qu’il y a de clients potentiels.
La clé de l’expérience client, n’est-ce pas la data ?
Dans ces retours d’expérience apparaissent deux nécessités : d’abord, ne plus penser le digital comme un élément à part de l’expérience de marque. Pour le consommateur, quel que soit le territoire d’interaction ou d’expression, une marque – ou plutôt un service – reste une entité unique, indivisible.
Ensuite, ne plus cloisonner ses développements digitaux entre web, mobile, applications… car l’internaute ne fait plus aucune distinction entre ces canaux. L’interopérabilité d’un Facebook (je peux démarrer une conversation sur mon ordinateur et la finir sur Messenger dans le métro) devient la norme et un monde digital sans-couture / sans rupture sera bientôt indispensable à l’expérience client.
Reste à parler d’information, ou plutôt d’infrastructure. Car pour qu’un parcours sans rupture soit possible, pour être réellement capable de fournir une expérience consommateur impeccable à toutes les étapes d’une interaction, il faut bien une infrastructure solide. C’est-à-dire une infrastructure qui assure que les données relatives à un client et à sa situation soient disponibles partout dans l’entreprise et puissent permettre la mise en place des interactions nécessaires sur tous les canaux. Par exemple :
- que le call-center de l’entreprise connaisse les dernières transactions effectuées par son client – qu’elles aient eu lieu en agence ou sur le Web ;
- que le consommateur lui-même ait accès à l’avancement du traitement de son dossier, de manière uniforme sur différents supports (site Web, application, contact téléphonique…) ;
- qu’un chatbot, ou une intelligence artificielle, puisse fournir une réponse personnalisée en fonction du contexte du client –son historique relationnel avec la marque, mais aussi le contexte immédiat de sa prise de contact !
- etc.
Cette continuité de l’information, et cette personnalisation des prises de parole, demandent un changement radical dans la façon dont la Data – la donnée client – peut être opérée au sein de l’entreprise. Remettre le client au centre de l’entreprise – lapalissade de la transformation digitale – c’est bel s’assurer d’avoir un système d’information qui irrigue tous les services et outils possibles et fournit une vision complète et unifiée des clients.
C’est sans doute la base la plus importante d’une entreprise qui réfléchit sous le prisme de l’expérience client. C’est peut-être aussi l’une des fondations la plus difficile à poser car elle implique un travail conjoint et fort des services marketing/communication, des responsables de la relation client et de la DSI. Mais c’est aujourd’hui, définitivement, la pierre angulaire de la satisfaction client !
Et pour continuer à s’inspirer…
- Un album : Toto (Toto – 1977)
- Un film : Short cuts (Robert Altman – 1993)
- Un livre : Mort sur le Nil (Agatha Christie – 1937)