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A retenir.

Intelligences artificielles, GAFA, interfaces vocales…
à mesure que le Net s’automatise
nous laisse-t-il encore réellement le choix ?

10mn de lectureLa question du « Choix » va être cruciale dans le développement des interfaces digitales dans les années à venir. La plateformisation des outils, le développement grandissant de l’intelligence artificielle et l’émergence des interfaces vocales posent très clairement la question de la marge de choix laissée aux internautes, voire aux consommateurs dans le futur Web ambiant.

Algorithmes et intelligences robotiques

On se souviendra qu’il y a moins d’un an, en pleine campagne électorale américaine, le rôle des algorithmes dans la diffusion de l’information avait été largement évoqué. Le monde des médias découvrait avec un mélange d’effroi et de fascination les fameuses « bulles cognitives« .
En surfant sur les réseaux sociaux, nous ne serions exposés qu’à des contenus qui confortent nos opinions et réduisent rapidement notre sphère de connaissance et de curiosité. Facebook, qui avait tenté un temps d’automatiser sa politique de gestion éditoriale avait du faire marche arrière devant deux écueils : la capacité de son algorithme à favoriser des contenus outranciers [1], excessifs – on ne parlait pas encore de fake news – et les accusations de réduction de l’exposition de certains contenus [2].

La faute aux algorithmes bien entendu, mais surtout au fait que ceux-ci ne soient conçus et pilotés sur une base d’objectifs chiffrés. Si je cherche à provoquer un maximum de clics sur mon contenu, j’ai tout intérêt à cibler les audiences les plus affinitaires avec celui-ci, donc les audiences partageant les mêmes centres d’intérêts – Facebook est extrêmement fort à ce jeu – voire qui participent à la construction et à la propagation de mes opinions. Travers humain compréhensible, il est plus facile de parler à une cible séduite que de tenter le prosélytisme. Tout marketeur vous le dira.

Ce travers de conception des principales interfaces du Net – les pages de résultats de recherche de Google, le fil d’actualité de Facebook… – n’en serait pas un s’il était la simple résultante d’une volonté humaine. Malheureusement, ce n’est pas aussi simple. Si les bulles cognitives existent à ce point, c’est principalement qu’elles sont générées par des programmes informatiques dont l’objectif est de maximiser nos réactions… Donc de nous plaire et de nous exposer à des contenus qui confortent nos opinions…

Algorithmes aujourd’hui, Intelligences artificielles demain. La puissance des futurs robots et leur capacité à traiter nos informations personnelles – non plus seulement un historique de cliks, mais des données comportementales complexes comme la mesure de nos réactions physiques ou nos interactions avec l’environnement domestique – va augmenter sensiblement la pertinence de ces bulles. Le but de l’intelligence artificielle va être au final de faire mouche à chaque fois, et de non plus seulement proposer un contenu – produit, service, utilisez le mot qui vous semble juste – qui nous plaise, mais également qui corresponde exactement à nos contraintes – physiques, temporelles, domestiques – du moment.

L’intelligence artificielle, c’est la « satisfaction garantie » poussée à son paroxysme…

Les contenus idéaux pour qui ?

Tout va donc pour le mieux puisque le futur me propose la satisfaction assurée de mes désirs. Ce serait aussi simple que ça si ne se posait pas la question de l’émetteur.
Qui, concrètement, est à même de nous proposer ce contenu idéal ? À date, ce sont les GAFA.

  • Google peut nous proposer des sites et des « adresses » où trouver à coup sûr le service que nous recherchons. Le rôle clé de son moteur de recherche – et de ses extensions mobiles et vocales – n’est que cela : nous orienter vers le bon prestataire.
  • Amazon lui entend nous orienter rapidement vers le produit idéal en exploitant notre historique d’achat. Amazon Dash [3] par exemple se veut une simplification extrême du choix et jouant sur la fidélité à une marque…
  • Facebook, on l’a vu, joue la même partition pour les contenus. Le réseau social entend nous pousser le média le plus en adéquation avec notre habitude de consultation des contenus.

À ces trois géants, qui semblent aujourd’hui indétrônables, s’ajouteront sans doute un ou deux autres acteurs dans les années à venir. Notamment celui qui, entre Uber, Tesla et Apple, maîtrisera une voiture autonome transformée en simple canal de diffusion de contenus [4].

Sans entrer dans la paranoïa anticapitaliste, il est bon de garder en tête le rôle de ces GAFA dans l’économie mondiale, et surtout leurs objectifs propres de rentabilité. Si Google doit garder en tête sa « ligne » de pertinence pour être utilisée – c’est à dire toujours proposer un contenu en cohérence avec la requête de l’internaute – il doit le faire dans un dispositif qui favorise la création de revenus publicitaires propres. La mainmise d’Adwords sur la publicité digitale à objectif commercial, la mainmise de Facebook sur la publicité à visée éditoriale [5], montrent bien les torsions possibles du système. Me propose-t-on les contenus les plus pertinents parmi lesquels certains sont publicitaires, ou les contenus les plus pertinents parmi des choix publicitaires ? La limite est ténue…

L’interface, clé de l’interaction.

Intelligences artificielles et GAFA semblent donc dessiner notre environnement direct de demain… Mais si le paysage n’était pas assez complexe à anticiper, un changement drastique d’usage guette le digital : l’omniprésence des assistants. Les assistants, quelle que soit leur forme, changent complètement la notion d’interaction dans l’univers digital, basculant d’un monde de requêtes – une demande / plusieurs reponses – à un monde de conversation – une demande / une réponse.

Premier avatar de ce tsunami conversationnel : les chatbots. Héritiers directs du smartphone et des interfaces de SMS, le chatbots réduit par défaut toute interface à un écran de mobile, et toute interaction à un échange de message textuel. Si des démonstrations d’intégration laissent envisager des possibilités d’interfaces autrement plus riches, à l’image de l’essayage et de l’achat de lunettes de soleil chez Ray Ban [6], il reste pertinent de penser que le chatbots tend vers la simplicité : échange de quelques mots, boutons de sélection mais guère plus d’options ouvertes. Si les arbres de décision peuvent s’avérer complexes, les espaces de liberté laissés au mobinaute sont réduits.

Le second avatar de la révolution de la conversation, l’assistant vocal, n’est pas mieux logé. L’interface vocale est prometteuse en termes d’interactivité, elle permet au consommateur de formuler à peu près n’importe quelle question [7]. Les taux de reconnaissance vocale et linguistique des Intelligences artificielles laissent en effet présager d’une compréhension fine d’à peu près n’importe quelle formulation [8]. Mais l’interface vocale pêche aujourd’hui par la pauvreté de ses réponses. Un canal vocal peut en effet être un vecteur d’information, mais difficilement devenir un canal de navigation. Les personnes s’étant déjà heurtées au serveur téléphonique de n’importe quelle administration – ou il y a vingt ans aux horaires vocaux des cinémas – pourront en témoigner.

D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si, après avoir testé et formalisé les codes de l’interaction vocale, Amazon travaille désormais à son complément visuel : d’abord via smartphone interposé (Echo Look [9]), puis via un assistant domestique mixant les usages de la borne vocale et de la tablette (Echo Show [10])

La réduction du champ des possibles ?

Résumons ?

  1. Une intelligence artificielle qui pense à notre place.
  2. Des GAFA qui régissent les flux, et donc décident de l’information à laquelle nous sommes exposée.
  3. Des interfaces, conversationnelles et vocales, qui limitent les possibilités de sélection et de choix.

Tout est pensé dans l’univers ergonomique qui se dessine pour limiter la charge cognitive du choix… Pour limiter notre exposition à un champ de possibles soit par le filtrage, soit par la non exposition aux options possibles.
Tout est fait pour que, ergonomiquement, le choix n’existe plus, ou en tout cas ne soit plus un écueil de navigation.

Prototype de réfrigérateur connecté par Samsung et Google

Prototype de réfrigérateur connecté par Samsung et Google

Le philosophe Eric Sadin se posait la question d’une révolution numérique qui au final nie l’impact que l’humain peut avoir sur elle. Dans son interprétation de la « Silicolonisation du monde » [11], il part des trois principes de la révolution numérique que nous sommes en train de vivre – tout d’abord l’ère de l’accessibilité aux données, plus l’ère de la captation des données et enfin, bientôt, l’ère de l’intelligence artificielle – pour démontrer à quel point robots et algorithmes pourront se passer de nous.
Pour exemple ? Le frigo connecté qui a la capacité de connaître en temps réel son propre contenu, et donc de commander « seul » le pack de yaourt qui viendrait à manquer. L’exemple est caricatural ? Pas tant que ça si l’on pense aux nombres de systèmes automatisées qui sont en train d’être conçus par la Silicon Valley, de l’affichage publicitaire à la voiture autonome en passant par les thermostats ou les balances connectées.

Sans aller jusqu’à cette perte totale de contrôle de l’être humain sur sa vie, il faut bien reconnaître que dans la sphère digitale, les moyens d’interaction de l’être humain sur sa propre vie vont dans le sens d’une grande simplification, ou a minima d’un conseil extrêmement guidé… Le bouton Amazon Dash en étant le modèle plus poussé actuellement : en permettant l’achat d’un produit identifié d’un seul « clic », on ne se pose plus la question du produit lui-même et du jeu de la concurrence. Hors l’activation du bouton, le périmètre de l’intervention humaine est bien faible.

Sans revenir sur les fondements de la psychologie humaine, on gardera en tête que le choix reste en grande partie ce qui donne de la valeur à un acte ou à un produit. Comment valoriser une expérience si le choix de la suivre ou non n’existe plus ? Comment gérer une relation client, dans un cadre purement commercial – voire dans un cadre juridique de service après-vente – si le consommateur n’a pas eu la sensation d’opérer un choix réel lorsqu’il a commandé un produit ou fait appel à un service ? L’équilibre entre « Proposition », « Suggestion » et « Obligation » est précaire. Et toutes les conditions générales de vente du monde ne changeront rien à la perception de ne pas avoir de prise réelle sur un système informatique ou commercial.

Du rôle de l’expérience utilisateur

On a eu tendance à définir, dans le monde digital de ces vingt dernières années, les métiers de l’User eXperience comme étant ceux de la simplification. L’expérience utilisateur devait apporter clarté et pédagogie aux interfaces pour que chaque internaute puisse rapidement trouver une information, ne s’égare pas sur un site et accède rapidement aux produits dont il avait réellement besoin. On a bien souvent détourné ces métiers de base, au service de l’internaute, pour en faire des chausse-trappes commerciaux et « tenter » l’internaute, l’inciter à commander et dépenser plus [12].

À l’aube de la révolution de l’intelligence artificielle et des interfaces dialogantes, le rôle des UX va peut-être encore changer. Dans les années qui viennent, les designers digitaux et les spécialistes de l’interactivité vont peut-être avoir pour mission de valoriser l’interaction humaine pour ne pas donner aux humains l’impression d’être soumis au contrôle des machines. Rétablir l’équilibre en quelques sortes.

Pour s’Inspirer

– Un album : Freedom of Choice (Devo – 1980)
– Un film : Matrix (Lana & Lilly Wachowski – 1999)
– Un Livre ? La silicolonisation du monde (Eric Sadin – 2016)

Sources à Lire
Sur Le Même Sujet
A retenir.

Dans la création du parcours client, les objectifs sont cruciaux.
Ils aident à définir concrètement ce qu’on attend de chaque contact.
Ils se classent en 4 catégories : les « 4 C »

5mn de lectureEt si on continuait à parler du parcours client ?
S’il est important de définir les points de contact qui servent à mettre en relation l’annonceur et le consommateur, il est une autre étape qu’il est crucial de ne pas négliger : celle de la définition des bénéfices de chacun de ces contacts.

 

Définir des objectifs ? Ou identifier des bénéfices ?

Il ne s’agit pas là de savoir quel est l’objectif global d’un dispositif digital. Celui-ci est souvent en rapport avec l’objectif global de l’entreprise comme le chiffre d’affaires ou l’accroissement des parts de marché sur un secteur déterminé. Il s’agit plutôt de définir les bénéfices que l’on peut tirer d’une interaction précise entre l’internaute et la marque. Est-on là pour construire de la notoriété, pour générer directement des ventes, ou pour d’autres raisons ? Quel bénéfice opérationnel espérer de la mise en ligne d’un blog, d’une campagne de prise de parole sur les réseaux sociaux ou du déploiement d’une application mobile ?

La définition de ces objectifs opérationnels est importante, dans la mesure où elle permet réellement de cadrer la façon dont les points de contact du parcours client vont être exploités. Ils permettent également d’envisager les priorités entre différentes prises de parole possibles, et les dépendances entre différentes étapes du parcours. Bref… ils sont indispensables dès qu’on imagine concrètement des expériences partagées entre marque et consommateur.

Mais que sont concrètement ces bénéfices ou ces objectifs ? On peut les regrouper en 4 familles, et pour mieux les retenir on les retrouvera sous le terme générique des « 4 C ».

C comme… Conversion

Le plus évident de tous, il est rare qu’une interaction digitale n’ait pas comme objectif la réalisation d’une conversion : vente en ligne, demande de devis, réservation d’un séjour, téléchargement d’une application… Autant d’interactions qui sont au final l’objectif global d’un dispositif digital.

Certaines actions, comme le référencement sur des moteurs de recherche, le déploiement d’une application de réservation ou d’un programme d’affiliation ont effectivement un objectif de conversion direct. Et doivent être challengées en conséquence quand on envisage d’évaluer leur impact… Mais ces interactions doivent surtout être pensées en fonction de l’état d’esprit du consommateur auquel on s’adresse. Celui-ci n’est pas toujours à une étape de son parcours qui le rend apte à acheter immédiatement, surtout si le produit mis en avant par l’annonceur est impliquant ou particulièrement onéreux. C’est pourquoi, même si la conversion reste une interaction importante, elle n’est pas la seule à devoir être prise en compte dans le parcours client…

C comme… Connexion

La notion de « Connexion » est elle aussi cruciale. Les bénéfices de connexion sont en général tous ceux qui permettent de trouver un nouveau moyen de s’adresser au consommateur : contact email, téléphone, connexion directe sur les réseaux sociaux, messagerie instantanée…

Ici l’objectif de l’interaction n’est plus de convertir mais de pouvoir adresser à un consommateur précis des messages plus fréquents ou mieux adaptés à sa consommation média. Les interactions visant la connexion sont cruciales dans la stratégie digitale, car elles permettent de construire un actif eCRM pour une marque et donc de ne plus reposer uniquement sur des achats média extérieurs pour toucher les consommateurs potentiels. Elles permettent également de construire une relation suivie avec les internautes et d’augmenter, via la diffusion régulière et ciblée de contenu, la considération pour la marque sur le long terme.

C comme… Considération

La considération, justement, c’est le 3e « C » à prendre en compte quand on définit les bénéfices à tirer des interactions digitales et du parcours client. Pour reprendre la définition publicitaire traditionnelle de la considération, il s’agit de s’assurer « qu’en situation de besoin ou d’achat, un consommateur considère une marque comme un choix possible permettant de répondre à son besoin ». Il s’agit donc de présenter les produits, ou du contenu articulé autour de ces produits à l’internaute afin de lui en vanter les mérites.

En parcours client, la Considération regroupe également le concept publicitaire plus large de Notoriété et vise très clairement à faire exister la marque parmi les références d’une certaine audience. Les stratégies de contenu qui ne poussent pas directement à l’achat ou à l’abonnement – et donc à la Conversion – sont utilisées dans cet optique de Considération. Le plus difficile ici étant avant tout d’identifier les KPI opérationnels – et purement digitaux – qui permettent d’estimer la complétion de cet objectif pour et par une opération donnée.

C comme… Connaissance

On pourrait croire qu’on a fait le tour des objectifs possibles des interactions digitales, mais c’est oublier un peu vite la révolution Data qui chamboule le digital depuis quelques années. Les échanges avec les audiences digitales ne sont plus seulement l’occasion d’opérer des interactions avec celles-ci, mais également de récolter de la Data permettant d’améliorer la performance des opérations futures. Ce sont là les bénéfices de connaissance client qu’il est important de bien définir pour améliorer les résultats de tout son écosystème.

Cookies et segments d’audience récoltés en vue de la mise en place d’une opération de retargeting, mais également données sur le dernier produit consulté par un internaute, ou sur les derniers contenus cliqués par celui-ci… autant de sources d’information qui permettent soit d’améliorer la compréhension de son audience pour mieux s’adresser à elle, soit de consolider les profils de ses utilisateurs pour personnaliser au mieux son site ou ses communications. A l’ère de la Data, des leviers à ne surtout pas négliger !

Conversion, Connexion, Considération et Connaissance donc, quatre types de bénéfices pour lesquels vous devez penser votre parcours client.

Et s’il fallait rajouter un cinquième…

😉

A retenir.

Sur le Net, réfléchit-on encore en usage ou en expérience ?
S’il y a 15 ans on pouvait créer des cartes d’usage des sites Web,
il serait peut-être temps de réfléchir les cartes en termes d’expérience.

10mn de lectureEn 2001, Jakob Nielsen théorisait dans un ouvrage de référence la page d’accueil Web idéale : Homepage Usability [1]. 15 ans plus tard, qu’est-ce qu’on peut encore retenir de sa méthode et comment l’adapter à la démocratisation du Web et aux nouveaux usages ?

La méthode Nielsen

Si vous avez l’occasion de vous pencher sur les enseignements de Jakob Nielsen, et que vous ne les connaissez pas déjà… jetez-vous sur cet ouvrage. Il regorge de bon sens et de conseils utiles sur la façon d’organiser ses pages Web et de les rendre utile à chacun. Et même si le Web a beaucoup changé depuis 2002, de nombreux conseils restent très utiles aujourd’hui.

Si vous avez l’occasion, jetez-vous rapidement sur cette bible signée Jakob Nielsen.

Parmi les méthodes abordées par Jakob Nielsen, l’une d’elle est particulièrement intéressante. Elle propose de mesurer l’utilité d’une page et déterminant l’espace occupé par ses différentes fonctions. L’idée est de savoir comment l’écran de l’utilisateur est occupé lorsque celui-ci accède aux pages d’Amazon, de General Eletric ou de General Motors. Jakob Nielsen identifie sur les pages Web 6 typologies d’espace dont l’usage, et l’objectif, sont différents :

  • Identification du site. L’ensemble des éléments liés à l’identité du site et de la marque : logo, baseline, images de communication pure, informations corporate…
  • Navigation. Toutes les zones qui servent à diriger l’internaute sur le site et à l’orienter vers un contenu précis : menus, moteurs de recherche…
  • Contenu Informatif. Les contenus qui peuvent directement se consulter sur la page d’accueil et fournissent une information utile à l’internaute quant au service qu’il est venu chercher.
  • Publicité et Partenariat. L’ensemble des espaces publicitaires envoyant vers d’autres sites Web via des formats de bannière établis ou des partenariats évidents.
  • Auto Promotion. La navigation du site quand celle-ci utilisent des arguments commerciaux : mise en avant d’une offre de promotion ou commerciale.
  • Habillage. Eléments graphiques de la page ne répondant à aucun usage de navigation, d’identification de la marque émettrice du site ou d’information concrète pour l’internaute.

S’ajoute à cela les espaces inutilisés, l’ensemble du blanc présent autour de ces éléments, que celui-ci soit réellement perdu ou nécessaire pour laisser « respirer » l’information de la page. A titre d’exemple, la répartition de l’espace sur la page d’accueil d’Amazon en 2002, d’après l’étude de Jakob Nielsen, était la suivante :

Le découpage fonctionnel de la page daccueil dAmazon en 2002, daprès jakob Nielsen.

Pas de liens vers l’extérieur – logique pour un site e-commerce – et énormément de contenu informatif (le cœur de cette page d’accueil mettant en avant quelques produits star) et de navigation (afin d’accéder à la catégorie de produit qui intéresse l’internaute). Un usage presque parfait si on en juge l’analyse faite à l’époque.

Quel usage du Web aujourd’hui ?

Qu’est-ce qui a changé depuis, d’un point de vue de l’architecture des sites Web ? Peu de chose. Jakob Nielsen faisait une étude comparée de cette « occupation des sols » entre 2001 et 2013 dans le secteur de l’immobilier [2]. Un peu plus de contenu réellement utile, et un peu moins d’éléments de navigation… mais rien de réellement flagrant.

De 2001 à 2013, quelle évolution dans l’utilisation de l’espace écran dans le secteur de l’immobilier ?

Le seul véritable gain pointé du doigt par l’ergonome américain concerne l’occupation à l’écran des interfaces des navigateurs. Plus les écrans sont grands – et ils ont gagné en résolution de 2001 à 2013 – moins les interfaces techniques de l’ordinateur prennent de place. Comparez donc la barre de navigation de Google Chrome avec celle de l’on connaissait sur Netscape en 1998, vous verrez le chemin parcouru !

Mais surtout, en 15 ans le Web s’est démocratisé. De quelques 665 millions d’internautes en 2002, nous sommes désormais plus de 3,4 milliards d’êtres humains connectés au réseau [3]. Bien entendu, il est toujours indispensable de se poser la question de l’expérience utilisateur, mais la majorité des internautes s’est habituée aux grands usages digitaux : moteur de recherche – qu’il concerne des informations ou des produits – fil d’actualité, interaction sociale, etc. La pédagogie autour de ces outils n’est plus nécessaire que si ceux-ci sont nouveaux ou divergent de l’usage traditionnellement établi.

Vers une carte expérientielle du Web

Et si les usages et les techniques de navigation sont désormais normalisées, l’expérience utilisateur peut désormais se pencher un peu plus sur le contenu et sur le message que celle-ci doit faire passer à l’internaute. Devant l’utilisation du Web comme un vecteur de communication et d’information, parfois plus encore qu’un apporteur de service, on pourrait très bien imaginer une extension de la méthodologie de Jakob Nielsen à l’analyse des objectifs de communication. Sur la même logique de cartographie, pouvez-vous me dire quelle proportion de votre page d’accueil est là pour provoquer de l’émotion ? Pour déclencher une expérience ? Pour vendre un produit ou pour rassurer le consommateur sur votre marque ou votre sérieux. On ne parlerait plus d’émotion, mais d’impact. Ou plutôt de ressenti. Et cette cartographie pourrait facilement se mettre en rapport avec l’identité d’une marque ou l’objectif visé par un dispositif digital.

Démonstration ?

On pourrait s’amuser à décortiquer le site d’Evaneos [4] sur cette nouvelle cartographie :

Evaneos, sous le prisme de la cartographie expérientielle

En suivant cette méthode, on peut identifier 5 types de zone sur cette page d’accueil :

  • Les zones d’émotion (en orange) : Principalement du contenu, souvent de la vidéo ou de l’image. Ici, peu d’explications, mais plutôt des médias qui sont destinés à être consommés de suite et à susciter une émotion chez l’internaute, un attachement à la marque et à ses messages. Chez Evaneos, l’utilisation d’une vidéo en fond de page est clairement un vecteur et vise à projeter l’internaute dans un univers de voyage.
  • Des zones d’expérience (en bleu) : Souvent des contenus, parfois de la navigation ou des accroches. Ici, plus que de susciter une émotion immédiate, on cherche à projeter l’internaute dans l’utilisation qu’il aura d’un service ou d’un produit. L’argumentaire est souvent plus concret, mais pas forcément technique. Peu d’élément d‘expérience chez Evaneos, dans la mesure où un voyage sur mesure est difficile à projeter pour l’internaute. Les partages d’expérience des utilisateurs rentrent dans cette typologie de contenu, mais sont relégués en deuxième partie de page d’accueil.
  • Les zones de produits et de services (en vert) : On entre ici dans la partie pratique, technique, fonctionnelle d’un site. C’est l’information brute sur un produit, ses caractéristiques techniques, sa photo sur fond blanc mais également son prix et ses conditions d’achat. Sur Evaneos, l’accès aux produits est fortement présent, mais sans mise en avant d’un catalogue précis. Ce sont avant tout les espaces de recherche et une partie de la navigation qui sert de porte d’entrée vers le catalogue des produits.
  • Les zones de rassurance (en violet) : On parle d’usage, et non plus de marque ou de produit. Les zones de rassurance sont destinées à informer l’internaute sur le sérieux du support de communication (la page, le site) et de la sûreté de la transaction qu’il envisage. Logo, certificats, conditions de vente ou information de livraison rentrent dans ces catégories. En revanche, la rassurance est omniprésente chez Evaneos. En tant qu’expert du service et du sur-mesure, il doit prouver rapidement son efficacité et sa capacité à traiter sereinement les demandes des clients. L’explication du concept dans la navigation et le bandeau d’arguments commerciaux sous le moteur de recherche rentrent clairement dans les zones de rassurance.
  • Les zones d’engagement (en rouge) : L’ensemble des éléments d’interface qui visent à un engagement direct du client : prendre un rendez-vous, commander un produit, réaliser une demande de devis, s’inscrire à une lettre d’information… Chez Evaneos, seul le lien de connexion au compte client (Se connecter) rentre dans cette catégorie. L’engagement envers la marque ne se fait sur la page d’accueil.

Ajoutez à cela les espaces neutres (le blanc autour des éléments graphiques, mais aussi les fonds de couleurs) pour avoir l’espace total occupé en tête et vous avez une cartographie qui complète avantageusement celle de Jakob Nielsen. Elle offre aussi l’avantage de permettre le rôle des images dans la conception Web là où la cartographie fonctionnelle ne considère celles-ci que comme un habillage inutile.

La même analyse opérée chez Airbnb [6] montre une volonté farouche de mettre en avant des Produits plus qu’un univers et de pousser l’internaute à s’engager rapidement dans un catalogue plutôt que de le plonger dans un univers de marque ou de la rassurer sur une prestation possible :

La cartographie expérientielle appliquée à la page d’accueil d’Airbnb.

La démonstration est encore plus flagrante sur mobile, où au delà d’une ligne de présentation du service, seuls les éléments de navigation permettant d’accéder aux produits restent accessibles :

Cartographie expérientielle d’Airbnb en version mobile.

Une question de parcours

Dans l’univers Web actuel, la mise en place d’une cartographie expérientielle des pages offrirait au passage deux grands avantages.

On le sait, le Net est devenu un réflexe quotidien pour les Internautes qui n’y cherchent plus un seulement service mais également un divertissement, une information… Dans ce quotidien, les points de contacts d’une marque avec ses consommateurs suivent un véritable parcours dans lequel chaque étape peut avoir des objectifs distincts.

On touche tantôt l’internaute pour le séduire, tantôt pour l’amuser, tantôt pour l’information ou le convaincre, tantôt pour qu’il s’engage auprès d’une marque ou achète. Il est logique de définir un objectif précis pour chacun de ces contacts, on utilise tantôt un canal de communication pour informer les consommateurs de l’existence d’une marque, tantôt pour les pousser à l’achat. L’utilisation d’une cartographie expérientielle permet de s’assurer qu’une landing page ou un dispositif mobile porte bien le bon message et sert réellement l’objectif de la campagne en cours.

Elle permet également de mettre en parallèle ses ambitions en terme de présentation des produits et la notoriété réelle de sa marque. Vous venez de lancer une plateforme, vous devrez peut-être veiller plus que d’autres à mettre en place des contenus de rassurance ou des explications autour de votre offre. Votre produit est particulièrement innovant ? Ne lésinez pas sur les contenus d’expérience pour démontrer réellement les avantages de votre offre et convaincre un peu plus les visiteurs de vos pages.

Anticiper la fin du Web ?

Et puis, à bien y réfléchir, la réflexion autour de l’expérience véhiculée par le Web et ses contenus est à remettre en phase avec les usages modernes du digital. Fred Cavazza s’interrogeait de manière très juste sur son blog il y a quelques semaines [6] : Les sites web sont-ils en voie de disparition ?

L’accès Internet par type d’appareil, en France en janvier 2017

L’émergence du mobile et des réseaux sociaux, saturés d’audience – on se rappellera qu’en Janvier, le mobile a été le premier écran de connexion à Internet en France [7], et que Facebook va sans doute franchir le seuil de 2 milliards d’utilisateurs actifs dans le monde cette année [8] – a profondément changé le comportement des internautes qui ne voient dans le site Web qu’un moyen comme un autre d’entrer en contact avec une marque.

Même si dans le secteur du e-commerce, les habitudes d’achat via le Web ont la vie dure et qu’on ne remplacera pas tout de suite un navigateur par un chatbots pour la majorité des transactions digitales. Que le Web reste important ou non plus l’internaute, ce qu’il faut garder en tête également c’est que la notion de page d’accueil est en train de doucement disparaître.

L’internaute peut faire son entrée dans l’univers d’une marque via la page d’accueil d’un site, mais également via la page de description d’un produit, un compte Facebook ou même une interface sociale de messagerie. Dans tous les cas, si les usages « techniques » évoluent – on clique, on répond, on regarde – les objectifs et les expériences provoquées par un contenu restent « mesurables » de façon similaire. La méthode de la cartographie expérientielle peut s’adapter à toutes les pages d’un site, mais également à tous les supports sur lesquels la marque maîtrise un tant soit peu son espace d’expression, afin d’en assurer la cohérence. Elle pourrait devenir, pour un temps, un cadre transversal de l’efficacité des dispositifs digitaux.

A retenir.

L’attention et le temps de l’internaute se font rares.
Si le travail des UX est en partie de compenser ce manque d’attention,
ne triche-t-on pas parfois… au détriment des intérêts de l’internaute ?

10mn de lectureL’amélioration de l’expérience utilisateur, c’est la clé de voûte de tout développement digital. Il est loin le temps où l’internaute cherchait à comprendre une interface avant d’entrer en contact avec une marque. Smartphones, écrans tactiles et réseaux sociaux ont rendu les interactions plus fluides, et l’internaute moins tolérant. L’expérience est donc centrale en ces temps de disette d’attention. Pour le meilleur et pour le pire !

La véritable question : l’attention de l’internaute

Nous sommes tous de plus en plus impatients envers les écrans. Toutes les études le montrent. L’attention moyenne de l’internaute serait de 8 secondes [1], et sa patience au moment de charger une page Web de 3 secondes seulement. On ne parle plus seulement d’un problème de patience ou de tolérance face à la technologie, certaines études issues d’universités américaines mettent carrément en avant une distorsion de la perception du temps [2] face aux contenus des réseaux sociaux, notamment face aux images.

Dans ces circonstances, l’économie de l’attention n’est plus un vain mot, et la course au temps de cerveau disponible [3] – Patrick Le Lay, si tu nous lis – est une réalité de plus en plus perceptible. Face à la réduction de l’attention des internautes, les stratèges du digital se sont orientés dans trois directions, pas toujours compatibles, et parfois franchement questionnables :

  • Saturer l’audience de contenu

    Moins les internautes ont de temps pour s’intéresser à un propos, plus les marques produisent de contenus ! A la pénurie d’attention, les experts du digital ont répondu par le Content Marketing et l’overdose de vidéo, de guides, de textes, et de blogs (oui, vous êtes sur l’un d’eux). Le Web est le seul marché où une saturation de la demande provoque une explosion de la production, une mise en place de normes plus ou moins partagées sur la teneur et la longueur d’un bon contenu [4]… tout ça dans l’espoir que chaque marque trouvera, par un concept créatif plus ou moins putassier, quelques secondes d’attention supplémentaires qui lui permettra de rester gravé dans la mémoire de l’internaute.
    Au vu des habitudes de consultation de contenu [5] des internautes, c’est sans doute loin d’être gagné.

  • Collecter de la data en mâsse

    Les points de contact sont rares ? Raison de plus pour en tirer le meilleur profit possible. Au-delà de l’attention, de la notoriété ou de la considération chères au marketing de papa, il faut maintenant profiter de chaque interaction pour en savoir plus sur l’internaute : ses intérêts, ses habitudes, ses envies, ses points de contact… Tout cela doit servir à profiler les internautes au mieux, et bien entendu à servir une expérience personnalisée lors de la prochaine rencontre marque/consommateur.
    A condition bien entendu que l’exploitation de cette data soit pertinente et rentable. Procter & Gamble annonçait l’été dernier l’abandon de la segmentation de sa publicité sur Facebook [6], jugée contre-productive par rapport à de bonnes vieilles mécaniques d’exposition et de répétition publicitaire. Plus récemment, Samsung vantait la campagne « personnalisée » de lancement de son nouveau smartphone, en avouant toutefois être allé trop loin dans la personnalisation [7] pour que tout cela reste rentable.

  • Optimiser l’expérience utilisateur

    Si on ne peut lutter contre la fragmentation de l’attention, il faut travailler l’optimisation de celle-ci. C’est ce qu’on évoquait en introduction de ce billet, l’amélioration de l’expérience client et surtout l’ensemble du travail d’optimisation des écrans font partie des classiques du digital pour l’année 2017. Difficile de passer une journée sur les réseaux sans voir des offres d’emploi pour des spécialistes UX ou des guides des 5 meilleures pratiques qui amélioreront l’engagement de vos visiteurs ! C’est la martingale de 2017…

Mais est-ce que pour autant, tout est si rose que ça ?

Optimiser les actions de l’internautes…

Le « gentil UX », celui qui pense réellement à faciliter la vie des internautes…

Quel rôle pour les spécialistes de l’engagement des consommateurs dans ce monde de micro-moments et d’attention réduite ? On a déjà formulé en partie la réponse : accélérer le traitement des requêtes de l’utilisateur et de là, éviter des frictions dans sa relation avec la marque.

C’est d’abord travailler le choix des outils et des interfaces. Quel canal se prête le mieux à quelle interaction ? Est-il réellement pertinent d’espérer qu’un internaute renseigne une déclaration de sinistre à son assurance via un chatbot ? Est-il concevable que la réservation d’un voyage sur mesure se passe autrement qu’en vis-à-vis ou au téléphone ? Le rôle de l’UX digital, c’est d’abord de reconnaître quand le digital est nécessaire et quand il devient contre-productif dans la relation avec le client.

Ensuite, c’est optimiser ces prises de parole du digital. Optimiser à la fois les interfaces – leur design, leur langage, leurs « réactions » – mais également les messages qu’elles véhiculent pour éviter tout atermoiement et tout doute de la part des consommateurs. Maximiser la clarté, on pourrait résumer le rôle bénéfique de l’User eXperience de cette façon.

Enfin, c’est s’assurer également que l’expérience client s’inscrive sur le long terme. On l’avait déjà évoqué ici : l’ennemi de la performance est avant tout la rupture d’information [8]. L’UX doit aussi penser Data et Infrastructure pour s’assurer que le même niveau d’information est disponible à chaque étape de la relation client, que les doubles saisies sont inutiles, que l’internaute sente réellement son cas – sa relation – prise en main par la marque.

…ou le distraire et en tirer parti ?

…mais « méchant UX », lui, ne pense qu’à augmenter l’usage de ses services quelles que soient les conséquences pour l’internaute !

Mais quelques voix commencent à ce lever contre les chantres de l’optimisation, et surtout sur la façon dont ces « optimiseurs » entendent s’accaparer nos vies numériques.

La base de ces plaintes ? Ce que les sociologues appellent le FOMO : Fear Of Missing Out [9]. Ce nouveau comportement lié à l’accessibilité constante des outils digitaux qui nous pousse à nous assurer en permanence que nous ne manquons pas un évènement ou une information cruciale. Ne riez pas, nous avons tous ce travers…

Le flux d’information constant auquel nous avons accès crée une dépendance. Nous allumons notre mobile avant même de petit déjeuner pour nous assurer qu’aucun message ne nous a attendu toute la nuit. Nous sortons notre mobile de notre poche plusieurs fois par jour pour nous assurer que nous n’aurions pas raté un SMS. Et nous regardons compulsivement mail et réseaux sociaux par peur de manquer un évènement, une actualité, une conversation, et de ne pas pouvoir réagir. Pire, notre esprit nous joue des tours et s’invente des « vibrations fantômes » [10], fausses notifications, quand notre téléphone est lui bien au repos…

Tout cela serait juste « gênant » si les spécialistes de l’Expérience Utilisateur ne s’en mêlaient pas [11]. Entre mise en place de notifications, rédaction d’alerte et génération de « call to action », de nombreux spécialistes des interfaces s’attachent à exploiter cette addiction. L’idée est simple : attirer l’attention, c’est déjà gagner une première bataille. Il faut donc définir des moyens plus ou moins grossiers de faire revenir l’internaute dans sa sphère de service ou de marque : des notifications, des SMS, des emails… rédigés subtilement de manière à séduire ou renforcer l’anxiété de l’internaute.

Il faut ensuite convaincre l’internaute de rester connecté : minimiser l’impact en temps de son interaction, maximiser l’impact en gain de celle-ci. Séduire et engager pour que l’internaute ait une action la plus précise possible : consulter un contenu, laisser un avis, répondre à une demande… Il faut parfois travestir un peu la réalité pour pousser l’internaute à faire une action : bien entendu que les questions qui vont suivre ne vous demanderont qu’une seule minute ! Comment en douter ?

Et l’internaute dans tout ça ?

Mais l’internaute dans tout cela, est-ce qu’il y gagne réellement quelque chose ?

Sert-on en permanence les intérêts de l’internaute dans ces conditions ? Comme souvent la réponse n’est pas simple… En promettant qu’un dépôt d’avis ne prend que 2 minutes, nous ne pouvons garantir que c’est là la meilleure exploitation possible du temps à venir de l’internaute. Ni que cet avis ne demandera réellement que 2 minutes. Une promesse d’interface est avant tout un hook destiné à hameçonner l’internaute et lui faire entamer un processus… et l’entraîner suffisamment loin pour qu’il juge par lui-même qu’il est trop engagé pour abandonner. A cause de nous l’internaute est peut-être distrait de ses « vraies » occupations…

Mais sans cela, de nombreux services ne pourraient simplement pas exister. Si Tripadvisor ne vous mentait pas légèrement sur la durée d’un dépôt d’avis, pourrait-il compter sur autant de contribution et vous rendre un service d’une si grande qualité quand vous recherchez votre prochain hôtel ou restaurant ? Il n’y a pas de réponse absolue, comme souvent, entre l’abus du temps individuel et le service collectif. Comme souvent, c’est compliqué.
On s’en sortirait par une pirouette en affirmant que le rôle de l’UX est d’améliorer la « perception de service rendu » à l’internaute ? A défaut d’une éthique absolue, cela dédouanerait la conscience pour quelques astuces… si l’on pouvait au moins s’assurer que l’internaute sort d’une interface avec le sentiment du devoir accompli.

Et on pourrait également formuler le vœux pieu que les internautes s’éduqueront, et qu’ils géreront de manière plus sage leur temps digital dans les années à venir ? On aimerait y croire, mais il faudra du temps avant que la majorité des internautes cesse de tomber sous le charme des magiciens de l’attention.

Un peu de détente pour s’inspirer
Les sources de cet article
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On revient sur la notion d’Experience Map, déjà présentée dans le dernier billet. Cette démarche permet d’envisager l’ensemble des réponses possibles d’une marque aux comportements d’un consommateur. Que ce dernier soit en recherche active d’un produit, ou simplement en phase d’exposition à une communication, l’Experience Map permet logiquement de définir les messages et la posture que doit adopter une marque, aussi bien online qu’offline.
Mais il y a un point qu’une Experience Map seule ne peut pas régler, ce sont les ruptures d’expérience. Pour éviter celles-ci, il faut également penser architecture de l’information et organisation de l’entreprise.

Les ruptures, une frustration pour le client

La question des ruptures est au cœur de toute relation client. En tant qu’usager d’un service, c’est quelque chose que nous avons tous vécu un jour avec plus ou moins de bonheur. C’est par exemple devoir redonner à une entreprise de livraison son adresse précise après une commande sur Internet. Devoir rappeler soi-même un réparateur pour connaître la disponibilité d’une pièce manquante…

On a tous été confronté au moins une fois à une mauvaise expérience de la relation client.

La rupture, c’est ce moment où l’information relative à un dossier ou un client ne se propage pas entre ses différents points de contact. Ce moment provoque une frustration – ou une répétition – dans la relation entre marque et consommateur. La question des ruptures était au cœur des discussions menées au début de mois de décembre par Le Hub La Poste, avec différents retours de d’expérience du cabinet de consulting McKinsey, de la compagnie d’assurance Macif et de Voyages-SNCF.

Le cabinet McKinsey y soulignait l’importance de redéfinir l’expérience d’un client comme une préoccupation globale et unifiée pour la marque. Globale, car celle-ci doit concerner l’ensemble des composantes de l’entreprise. Unifiée, car ces services de l’entreprise doivent s’assurer d’avoir une vision commune du client et donc éviter les ruptures pour ce dernier. D’après le cabinet, traiter une expérience client globale permet à la fois d’améliorer la satisfaction des clients mais également la satisfaction interne des employés – ceux-ci se sentant valorisés dans le service qu’ils rendent – voire de réduire les coûts de service. La raison est simple : moins de rupture dans une expérience multicanale veut dire moins de déperdition d’information pour les équipes et donc moins de temps passé dans le traitement des dossiers, que l’on parle d’une vente en ligne, d’une relation « physique » avec le client ou d’un service après-vente.

Et surtout, McKinsey le rappelait également : cinq interactions ayant chacune un taux de satisfaction de 90% ne font pas une expérience globale satisfaisante à 90%… Car les ruptures entre différentes « bonnes expériences » cassent souvent la dynamique d’une relation. Voilà pourquoi il convient de penser des parcours globaux, et surtout l’interaction entre les différents moments de relation avec un consommateur.

Eviter les ruptures, c’est anticiper

Mêmes sons de cloche chez la Macif et dans le secteur de l’assurance au global. Ici, l’interaction « physique » (en agence ou par téléphone) reste très importante, notamment pour le traitement des sinistres. Il est donc crucial que les informations relatives à un client ou à une situation soient exploitables quel que soit le canal de communication, afin que l’assuré n’ait pas à réexpliquer sa problématique parce qu’il passe de l’agence au téléphone, ou du mail à l’agence. Il s’agit toujours d’éviter les ruptures.

Pour éventuellement contrer ces pertes d’information, l’assureur évoque l’optimisation de chacune des interactions dans l’amélioration de l’expérience client : ce qui peut être traité en un seul contact doit être traité en un seul contact – d’où l’importance de l’accès à l’information pour les équipes internes de l’entreprise. Et ce qui peut être anticipé doit également l’être, pour éviter encore une fois les frustrations pour le consommateur.

Chez Voyages-SNCF, même problématique et mêmes démarches, d’autant que l’achat d’un billet de train est de plus en plus vécu comme une simple commodité. Il est crucial que l’expérience sur n’importe quel canal soit rapide et cohérente avec les autres interactions déjà effectuées.

Personnaliser l’accueil d’une application en fonction de la localisation d’un internaute, ou de ses achats précédents, une bonne façon d’éviter les ruptures.

Mais Voyages-SNCF veut aller plus loin en prenant en compte sur tous ces canaux la personnalisation de l’expérience client : tout message passé à un client doit prendre en compte la situation personnelle du consommateur. Au-delà de la simple relation client, l’entreprise envisage donc que la page d’accueil même de son site soit repensée en fonction du client qui la visite. On imagine l’affichage des prochains voyages prévus pour les clients ayant déjà réservés des billets de train. Ou la mise en avant des destinations et horaires les plus fréquemment utilisés pour favoriser un achat rapide. VSC dessine un monde, a minima digital, dans lequel on ne pense plus l’expérience utilisateur de façon abstraite mais où l’on construit autant de scénarios de déploiement possible qu’il y a de clients potentiels.

La clé de l’expérience client, n’est-ce pas la data ?

Dans ces retours d’expérience apparaissent deux nécessités : d’abord, ne plus penser le digital comme un élément à part de l’expérience de marque. Pour le consommateur, quel que soit le territoire d’interaction ou d’expression, une marque – ou plutôt un service – reste une entité unique, indivisible.

Ensuite, ne plus cloisonner ses développements digitaux entre web, mobile, applications… car l’internaute ne fait plus aucune distinction entre ces canaux. L’interopérabilité d’un Facebook (je peux démarrer une conversation sur mon ordinateur et la finir sur Messenger dans le métro) devient la norme et un monde digital sans-couture / sans rupture sera bientôt indispensable à l’expérience client.

Reste à parler d’information, ou plutôt d’infrastructure. Car pour qu’un parcours sans rupture soit possible, pour être réellement capable de fournir une expérience consommateur impeccable à toutes les étapes d’une interaction, il faut bien une infrastructure solide. C’est-à-dire une infrastructure qui assure que les données relatives à un client et à sa situation soient disponibles partout dans l’entreprise et puissent permettre la mise en place des interactions nécessaires sur tous les canaux. Par exemple :

  • que le call-center de l’entreprise connaisse les dernières transactions effectuées par son client – qu’elles aient eu lieu en agence ou sur le Web ;
  • que le consommateur lui-même ait accès à l’avancement du traitement de son dossier, de manière uniforme sur différents supports (site Web, application, contact téléphonique…) ;
  • qu’un chatbot, ou une intelligence artificielle, puisse fournir une réponse personnalisée en fonction du contexte du client –son historique relationnel avec la marque, mais aussi le contexte immédiat de sa prise de contact !
  • etc.

Cette continuité de l’information, et cette personnalisation des prises de parole, demandent un changement radical dans la façon dont la Data – la donnée client – peut être opérée au sein de l’entreprise. Remettre le client au centre de l’entreprise – lapalissade de la transformation digitale – c’est bel s’assurer d’avoir un système d’information qui irrigue tous les services et outils possibles et fournit une vision complète et unifiée des clients.

C’est sans doute la base la plus importante d’une entreprise qui réfléchit sous le prisme de l’expérience client. C’est peut-être aussi l’une des fondations la plus difficile à poser car elle implique un travail conjoint et fort des services marketing/communication, des responsables de la relation client et de la DSI. Mais c’est aujourd’hui, définitivement, la pierre angulaire de la satisfaction client !

Et pour continuer à s’inspirer…

Cela fait bien longtemps que les problématiques de design et d’expérience utilisateur ne se cantonnent plus aux seuls sites Web. Pour suivre le consommateur sur le Net, il faut désormais penser Parcours digitaux, et imaginer les interactions d’un client avec l’ensemble des points de contacts que propose une marque. La Customer Experience, c’est aujourd’hui une histoire clairement multicanale !

Quand les internautes gagnent en maturité

Rien d’extrêmement nouveau pourtant dans les usages. Le constat est fait depuis longtemps : les outils digitaux ont très clairement redonné le pouvoir aux consommateurs en leur fournissant des sources d’information quasiment infinies sur les produits et services. L’industrie du voyage, par exemple, en aura tout particulièrement fait les frais. Devant la soif d’information et de réassurance des clients, les hôtels ont perdu la main et cédé le terrain à des intermédiaires plus à même de fournir une information précise et éclairée aux futurs voyageurs : Booking, Tripadvisor et autres Online Travel Agency (OTA). Une intermédiation qu’on qualifierait aujourd’hui d’Uberisation et qui revient à reconnaître l’indépendance grandissante du consommateur sur le Web.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Dans une étude publiée récemment par Oracle et portant sur l’avenir de la relation client, on apprend que 94% des consommateurs ne se sentiraient pas affectés si les « marques » disparaissaient… Preuve, s’il en est besoin, que l’on est bien passé d’une ère de la communication – descendante, d’une marque au consommateur – à une ère de l’information et du service dans laquelle le client cherche avant tout un impact direct sur sa vie.

Dans cette même étude, quand on aborde le ressenti des décideurs d’entreprise à travers le monde, on apprend également que pour 48% d’entre eux, les technologies digitales et mobile ont eu un impact sans précédent sur le comportement de leurs clients. 40% des décideurs estiment que les consommateurs sont maintenant plus indépendants et mieux informés et 1/3 admettent que les clients préfèrent effectuer leurs démarches par eux-mêmes plutôt que de demander l’assistance d‘un conseiller ou d’une marque.

Une véritable prise de pouvoir donc, aussi bien dans la recherche d’informations nécessaires à l’achat, que dans l’acte d’achat lui-même.

Une expérience globale

Dans le même temps, l’interaction entre le client et les marques – ou simplement les prestataires – s’est largement globalisée. Il est loin le temps où les interactions entre une marque et un consommateur se limitaient à la consultation d’un catalogue en ligne et à la commande d’un produit. L’internaute a multiplié ses entrées dans l’univers digital, et des plateformes intermédiaires se sont développées rapidement : Google est visité par 40 millions d’internautes français chaque mois, Facebook lui cumule 14 millions d’internautes français mensuel sur ordinateur (données Médiamétrie). Des réseaux qui sont devenus autant de points névralgiques de la relation entre une marque et ses clients potentiels.

Dans le même temps, le mobile a également révolutionné la façon dont les consommateurs utilisent les plateformes digitales. Google l’annonce dans ses études : non seulement nous interagissons avec notre smartphone plus de 150 fois par jour, mais surtout depuis le début de l’année, plus d’une recherche sur deux est faite à partir d’un terminal mobile. Terminal sur lequel les réseaux sociaux règnent en maîtres (Facebook avec 31 millions de visiteurs uniques en France en août 2016, Twitter avec 13,5 millions, Instagram avec 11,9 millions ou Snapchat avec 10 millions… toujours selon Médiamétrie). Nouveau terminal, et donc nouveaux usages.

L’expérience Google Glass de Voyages-SNCF, un exemple de multiplication des points de contact.

Pour finir le paysage, on n’oubliera l’explosion des messageries instantanées depuis 2014 (Snapchat, Whatsapp, Messenger…), l’émergence de l’intelligence artificielle et des chatbots, l’arrivée annoncée d’une réalité virtuelle et/ou augmentée accessible à tous… et le fait que les usages d’avant l’ère digitale n’aient toujours pas disparus : le catalogue papier existe toujours, les courriers et surtout téléphone sont toujours utilisés pour des interactions rapides ou des opérations qui demandent une réassurance humaine importante. Et la boutique physique est en train de se réinventer.

Le « tout digital » n’est qu’une chimère et la Transformation digitale a surtout contribué à donner le choix au consommateur dans les moyens d’interaction qu’il peut utiliser. Une véritable démultiplication des supports.

La nécessité de construire une Experience Map

Mais comment les marques peuvent-elles faire face à cette effervescence de points de contact ? Si la plupart dans grands acteurs de la consommation grand public ont appréhendé les réseaux sociaux, il reste de nombreux terrains à explorer. D’après l’étude Oracle citée plus haut, 44% des entreprises entendent explorer l’utilisation de la Réalité Virtuelle dans leur relation client d’ici à 2020. Les chiffres sont les mêmes pour le déploiement de Robots ou de Chatbots et descendent à peine à 41% quand on parle d’intelligence artificielle. La volonté, ou plutôt la nécessité, d’investir et donc là.

Pour autant, il convient de ne pas investir de manière erratique. La méthode pour appréhender ces nouveaux leviers d’interaction avec les consommateurs, et surtout leur logique dans l’expérience du consommateur passe par la modélisation de véritables parcours de clientèle prenant en compte l’ensemble des canaux possibles. On parlera volontiers d’Experience Map :

Experience Map : comprendre les grandes étapes et les points de contact avec un client, et surtout trouver des réponses !

La méthode est simplement héritée des démarches d’User Experience mises en place dans bon nombre d’entreprises depuis quelques années. Elle vise à s’assurer de l’unification de la prise de contact ou de la conversation, dans le temps et sur ces différents canaux. Comment procéder ? Pour ne conserver que les principes de bases, on considérera 3 étapes dans la conception du parcours :

  1. Identifier les grandes étapes de la relation client. C’est en général assez simple. Par exemple, dans le cadre d’un achat en ligne, on distingue en général 5 grandes étapes dans le comportement du client : la recherche d’idée, la sélection des produits, la réassurance sur des critères objectifs ou sur l’avis de pairs, la recherche du meilleur prix et enfin l’achat final.
    Bien entendu, l’importance et la durée de ces étapes et toute relative, et dépend souvent de l’importance – émotionnelle et financière – de l’investissement. Le besoin de réassurance est très faible lorsque l’on commande un livre sur Amazon (l’achat est souvent peu onéreux et la fiabilité d’Amazon rarement en cause). Il est en revanche très important lorsque l’on recherche un hôtel pour ses vacances (budget important, et besoin de confronter sa recherche aux avis des autres clients).
  2. Trouver les points de contact qui correspondent à ces étapes. Les grandes étapes définies, il convient d’identifier les moyens que le consommateur va utiliser pour réaliser celles-ci. La connaissance de sa clientèle, ainsi que le recours à des études tierces sont alors les meilleurs alliés. Tous les canaux peuvent potentiellement être abordés, qu’ils s’agissent d’interactions digitales pures (Google, comparateurs de prix, site d’avis…) ou d’exposition à des médias plus traditionnels (consultation de magazines, de presse, exposition à un affichage urbain…).
    L’idée de cette étape est d’identifier l’ensemble des temps et des endroits où une interaction entre la marque à promouvoir et le consommateur est possible.
  3. Construire la réponse de la marque sur ces canaux. Étapes et points de contact identifiés, il faut désormais définir comment la marque va assurer sa présence et répondre aux attentes du consommateur. Est-ce un partenariat, une interaction publicitaire, la mise en place d’une nouvelle plateforme de communication (espace social, chatbot…) ou simplement une non-réponse sur certains canaux car jugés non-pertinents ?
    Dans l’idéal, dans cette étape du travail de l’Experience Map, il faudra considérer non seulement les moyens mis en avant par la marque, mais également la teneur de ses propos et l’objectif poursuivi dans cette prise de parole : cherche-t-on de la considération ou les revenus directs ?

Etapes, points de contact et scénario de réponse. En utilisant cette démarche simple, on peut déjà s’assurer que la marque que l’on doit promouvoir la promotion est présente aux bons endroits, avec une réponse adaptée à la problématique du consommateur à un moment donné. Mais cela ne suffit pas toujours à fournir la meilleure réponse dans tous les cas. Pour cela, il faudra encore être certain d’éviter les ruptures dans la relation client et de personnaliser au mieux chacune des prises de parole. Mais ça, on en parlera la prochaine fois !

Et pour continuer à s’inspirer…