Facebook, Google, Amazon, Apple… tout le monde investit donc désormais les interfaces conversationnelles (voir l’article précédent). Les usages qu’elles impliquent ne tarderont pas à se démocratiser. Mais concrètement, quel est l’impact de ces nouveaux modes d’échange sur les métiers du digital, chez les agences ou les annonceurs ?

On peut évoquer pas mal d’hypothèses, toutes dépendantes de la propagation rapide ou lente des interfaces conversationnelles. Ces hypothèses restent de grandes orientations dans l’évolution des métiers et l’organisation des entreprises traitant directement des problématiques numériques : agences, studio de développement et également équipes dédiées chez n’importe quel annonceur. On en étudiera trois principales.

Marketing et Technique ? Des frontières plus floues

Tout d’abord, la réorganisation des rôles entre marketing et technique. La transformation digitale a déjà mis à mal les rôles respectifs des directions du Marketing et des DSI, si bien que certains acteurs majeurs ont simplement fusionné ces départements dans une gigantesque équipe « digitale », à l’instar du vénérable Club Med.
Il est vrai que l’immersion des outils digitaux dans le marketing a rendu celui-ci plus technique. Et la fin de certains actifs de l’entreprise (sites, applications…) au profit de connexions (API et flux vers les plateformes de diffusion géantes que sont les GAFA) a teinté de business et d’arbitrage les chantiers des équipes techniques. A l’heure de la plateformisation – c’est-à-dire de la dépendance accrue à quelques géants pour toucher directement un internaute – le travail commun du marketing et de la DSI est plus que jamais d’actualité. L’émergence des interfaces de conversation va accélérer cette mise en commun :

  • Au marketing de choisir les interfaces sur lesquelles s’exprimer et les réponses à fournir aux internautes ;
  • A la DSI de développer les connexions et de mettre en pratique ces scénarios de réponse.

Mais la matière conversationnelle n’est pas figée. Les possibilités des plateformes et les demandes des internautes évoluent en permanence, rendant impossible un travail traditionnel de setup-puis-développement. A l’heure de la conversation, la fusion Marketing/DSI est donc plus que jamais d’actualité, le couple agissant désormais comme une véritable tour de contrôle de l’activité digitale de l’entreprise !

Qui veut la peau des créatifs ?

Se dirige-t-on vers un chômage – partiel – des graphistes et des intégrateurs ? C’est un peu caricatural, mais en même temps extrêmement logique. Dans les exemples de conversations digitales présentées par Facebook ou Amazon, il y a au final très peu de place pour l’expression graphique. Quelques packshots, tout au plus, ou la mise en avant d’une promotion particulière. Les interfaces liées à la voix (Siri, Echo, Home…) vont bien entendu plus loin dans cette dématérialisation.

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Si les interfaces conversationnelles deviennent la norme pour les « commodités numériques », ces actions qui ne demandent ni une grande quantité d’informations ni un engagement émotionnel fort comme commander un taxi ou vérifier un horaire, alors les interfaces graphiques et les intégrations – concrètement les sites Web – vont vite devenir inutiles pour une grande part de la communication digitale. Ce n’est pas la fin du Web et des images, bien entendu, mais une restriction possible de leur usage à des missions d’information – je me renseigne sur un produit avant l’achat, pour rester dans la sphère eCommerçante – ou publicitaires – je fais exister ma marque dans l’imaginaire des internautes. Pour ce qui est des achats ou des fonctions purement pratiques, le Web n’aura plus de raison d’être !

Vers l’excellence technique

Enfin, si les interfaces conversationnelles – qu’elles soient textuelles ou vocales – se démocratisent, il va bien falloir repenser complètement la tolérance du consommateur vis-à-vis de ce nouveau monde digital, car qui dit une interface plus intuitive dit une question technique reléguée au second plan.

Et quand la question technique ne se pose plus pour l’internaute, elle doit se poser de manière plus forte alors pour l’équipe de développement ! Supportez-vous une panne de téléphone ? Non, car le téléphone est aujourd’hui assimilé à un service de base… Si les interfaces conversationnelles se démocratisent – on en prend le chemin – elles seront rapidement perçues elles aussi comme un service de base. Il sera alors indispensable de fournir non seulement la réponse la plus adéquate en toute circonstance, mais également le plus rapidement et le plus efficacement possible. Préparez-vous sur ces échanges naturels à un niveau d’exigence des plus élevés de la part des consommateurs, la barrière technique de l’interface ayant définitivement disparu.

Un rôle central : la communication !

Ce qui ne changera pas, en revanche, c’est la nécessiter de communiquer – au sens publicitaire – et surtout de scénariser cette communication.
Une interface conversationnelle, c’est un environnement clos. En théorie, Messenger a vocation à remplacer Google pour les opérations les plus pratiques. Plutôt que de chercher le produit sur un moteur de recherche, vous pourrez directement clamer « Echo, commande-moi le livre untel » pour lancer l’achat en ligne. En procédant ainsi, vous ne serez plus exposé à des offres alternatives, comme c’est le cas sur les moteurs de recherche traditionnels (un concurrent ou un distributeur peut toujours acheter une marque sur Google) ou sur les interfaces eCommerce classiques.

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Si le consommateur a donc déjà une marque en tête, il sera encore plus difficile de challenger celle-ci. La publicité – sous toutes ses formes – devient alors cruciale : elle permet de faire émerger la marque, nouer une relation avec le consommateur et peut-être lui faire dicter son nom à son assistant personnel. C’est ici que les talents des créatifs et que les interfaces d’information (sites web ou application) pourront clairement s’exprimer et dialoguer avec le consommateur. Bien entendu, on n’invente rien à ce sujet, mais l’enjeu de ces prises de parole initiales peut vite devenir plus important.

L’émergence des « scénaristes » vient de la même logique. Dans un monde de conversation, c’est la pertinence qui va désormais faire la différence pour les internautes. Les marques quotidiennes ne possédant pas un imaginaire fort – logiquement l’apanage de quelques secteurs particuliers comme le luxe ou la technologie – vont devoir prouver leur différence via les contenus qu’elles poussent aux consommateurs. Ceux-ci devront être impactant, mais surtout pertinents face aux questionnements ou aux envies du consommateur. Et c’est bien entendu là qu’interviennent les scénaristes : définir le discours, et le contenu, qu’une marque dit apporter à l’internaute en fonction des requêtes et de la plateforme avec laquelle elle est en relation avec lui. Du marketing de base diriez-vous ?

Effectivement : au-delà de l’interfaçage technique et des éventuels questionnements liés à l’intelligence artificielle, les interfaces conversationnelles ne font que rendre plus saillante encore la nécessité des métiers du marketing : proposer la bonne réponse au bon internaute sur le canal qui participera le mieux à lui faire préférer une marque !

Des idées pour continuer à s’inspirer :

Chatbots, interfaces conversationnelles, assistants personnels… C’est définitivement LE sujet à la mode de cette fin d’année 2016. Depuis les annonces de Facebook en avril dernier, difficile de ne pas penser que les interfaces de messagerie ne vont pas changer profondément notre comportement digital. Et difficile également de dissocier celles-ci de l’émergence d’une intelligence artificielle de plus en plus « pratique » et… intelligente. C’est le moment de faire un tour des fantasmes, du marché et des vraies révolutions induites par ces robots.

C’est qu’on les fantasme depuis des décennies, ces dialogues ouverts et naturels avec un ordinateur intelligent. La science-fonction en est pleine : des intelligences malveillantes (HAL dans 2001 l’Odyssée de l’Espace, le Maître Contrôleur Principal de Tron…), des ordinateurs naïfs (le Joshua de Wargames) ou des robots bienveillants (l’AI de Spielberg ou le Terminator de James Cameron). Si tout le monde s’accorde à dire que le sujet a de l’avenir, et que la science-fonction n’a jamais été aussi proche, les développements actuels ne vont toutefois pas si loin. Et pourtant…

Quand le mobile relance nos conversations

Comment en est-on arrivé là ? Si les progrès techniques et les capacités des ordinateurs sont bien entendu responsables de l’avancée technologique, nous, les consommateurs, y sommes aussi pour beaucoup. La mode des interfaces conversationnelles – Messenger et Whatsapp en tête avec plus d’un milliard d’utilisateurs connectés chacun – doit beaucoup à nos addictions digitales.
En moins de 10 ans, nous sommes devenus totalement accros aux smartphones et ceux-ci sont devenus des compagnons de vie quasiment indispensables. Google estime dans une étude de 2014 que nous « dégainons » notre téléphone mobile plus de 150 par jour, et parfois pour seulement quelques secondes. Autant d’occasions pour les marques et les plateformes digitales d’interagir avec nous.

Le smartphone nous a également réconcilié avec la conversation textuelle et asynchrone. Une étude menée par Samsung et l’opérateur britannique O2 en 2013 montrait que sur 119 minutes quotidiennes passées sur notre smartphone, seules 13 étaient consacrées à des échanges vocaux. 24 étaient utilisées pour surfer sur le Web, 16 pour vérifier l’activité de ses amis sur les réseaux sociaux, et 18 pour « Texter » ou envoyer des mails. L’étude date de 2013, avant la popularisation de SnapChat, Whatsapp et autres outils de messagerie populaires aujourd’hui. Imaginez donc les proportions que tout cela a bien pu prendre en à peine 3 ans…

L’émergence des robots et des algorithmes

Sur un tel terreau, il est facile de comprendre pourquoi Facebook, Google ou encore Apple investissent à ce point les interfaces mobiles. Difficile de dresser un portrait complet tant le paysage bouge vite. Gardons simplement comme point de départ le rachat de Whatsapp par Facebook en 2014, suivi du développement de l’application Messenger l’année suivante. Facebook est devenu assez facilement le leader des interfaces conversationnelles, talonné seulement par SnapChat. Voilà pour le dialogue avec les consommateurs…

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Mais le vrai champ de bataille est désormais ailleurs : il s’agit de l’intelligence artificielle. Il est bien pratique de fournir une interface de conversation aux consommateurs, encore faut-il pouvoir répondre à leurs requêtes et à leurs messages. C’est encore Facebook qui est aux commandes sur ce domaine. Mais avant de parler d’intelligence artificielle, on parlera de chatbotsCe mot-valise, réunion de Chat (espaces de dialogue) et Bot (pour Robots) désigne tous les programmes informatiques capables de répondre aux demandes formulées par un internaute sur une interface de messagerie. Le fantasme n’est pas nouveau, les prototypes de solutions non plus… Apple avec Siri, ou Google avec son OK Google avaient commencé l’acclimatation de l’internaute à ce genre de principe. Facebook a démocratisé le système pour les entreprises. En ouvrant la mise en ligne de robots de dialogue à n’importe quel développeur sur son interface Messenger, il a permis l’émergence d’une véritable Industrie du dialogue digital. Messenger compte désormais des centaines de milliers de robots – la plupart anecdotiques – permettant de commander des fleurs ou une pizza, de vérifier sa carte d’embarquement ou de s’assurer de l’horaire d’un train. Facebook et Messenger ont en fait popularisé le dialogue en tant qu’interface et le Chatbots en tant que support de réponse.

Le renouveau de la voix

Google va plus loin. Malgré un retard, aujourd’hui assumé, sur les interfaces « sociales », le géant californien a lancé Allo! en septembre 2016, avec une promesse plus forte encore que celle de Facebook : l’intelligence artificielle. L’assistant personnel Allo!, et les programmes qu’il cache, permet de suivre le fil complet d’une conversation et contextualiser des réponses en fonction de l’historique d’un internaute sur le long terme. Google reste ainsi cohérent avec sa promesse de Pertinence qu’il promeut sur son moteur de recherche depuis plus de 15 ans : Allo! doit fournir la meilleure réponse possible à l’internaute en fonction de son contexte. Pas question ici d’ouvrir des espaces de dialogue avec toutes les marques, mais plutôt de guider l’internaute vers le média le plus pertinent via une intelligence centrale… Après tout, qu’apporte l’interface et le moyen si l’usage et simple et la réponse bonne ? Les approches de Facebook et d’Apple se valent bien pour un mobinaute lambda qui veut juste commander des fleurs.

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Si l’on veut être complet, on est obligé d’évoquer Amazon. Loin de sa boutique de livre originelle, Amazon est devenu un géant des technologies. Interfaces, drones, cloud… peu de secteurs technologiques lui échappent réellement. Et dans le secteur de la conversation, Amazon a pris une position de choix avec son couple Echo / Alexa. Pour résumer les choses simplement : Alexa est une intelligence artificielle et Echo une borne interactive à placer dans son salon. Une borne… vocale. Car nous revenons désormais dans l’ère de la conversation vocale. Imaginez que vous manquiez de stylos au bureau. Élevez la voix, formulez une requête et Echo l’interprétera, lançant automatiquement une commande sur… Amazon. Les usages en domotiques sont nombreux et fantasmés depuis plus de 50 ans, et ceux en termes de service encore plus importants. Commander un taxi, chercher une adresse… tout cela par la voix revient à une promesse de praticité dont beaucoup rêvent. Google avance également sur ce sujet via une interface Google Home, couplée à la même intelligence artificielle que Allo!.

Et si on ne raccrochait plus jamais ?

Difficile enfin de ne pas évoquer Apple. Sans être l’acteur le plus innovant sur la conversation ou les chatbots, il faut bien reconnaître à la firme à la pomme le mérite d’avoir imaginé et démocratisé Siri et d’avoir fait – comme souvent – office de précurseur sur les interactions avec l’utilisateur. L’iPhone 7 annoncé début septembre pourrait facilement redorer les galons de défricheur d’Apple.
En cause ? Les Airpods. Sans entrer dans une polémique sur leur qualité ou leur esthétique, on est obligé de reconnaître à ces écouteurs sans fil un léger parfum d’anticipation. Sans l’entrave des fils, connecté continuellement à votre smartphone, il est possible d’imaginer que ces écouteurs ne vous quittent plus et que vous ayez ainsi à disposition, en quasi-permanence un assistant vocal. Partout, sans contrainte, vous pourriez interroger Siri pour vous donner une adresse ou vous mettre en relation avec le chatbot d’une entreprise. Certaines des interfaces de Star Trek ne sont décidément pas loin…

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