(As We May Link, c’est une histoire du Web et de l’Hypertexte en 8 épisodes. Si vous avez manqué le début n’hésitez pas à reprendre au premier article, c’est ici : https://serviceplan.blog/fr/2021/09/as-we-may-link-la-blibliotheque-des-origines/.)

Cette semaine, dans ce sixième numéro de As We May Link, on va parler contenu. On l’a vu la semaine dernière, ce ne sont pas les technologies qui bloquent aujourd’hui la renaissance de l’hypertexte. Avec un peu d’imagination, on peut tisser des liens entre les contenus de multiples façons. Mais encore faut-il que ces contenus soient disponibles et accessibles !

L’heure de la fermeture

Pour que l’hypertexte fonctionne, il faut que tous puissent avoir accès à des références communes, à des sources d’information… Et sur le Net d’aujourd’hui, tout cela semble parfois bien compliqué.

On va parler de plateformisation. C’est-à-dire du fait qu’une grande partie des contenus disponibles en ligne ne le soient qu’à travers des systèmes prioritaires. On parle bien entendu des GAFA, mais pas uniquement.

Il y a quelques semaines, on évoquait le fait que le menu de la cantine donnait envie revoir Le Parrain III, et notamment cette scène de cuisine dans laquelle Andy Garcia apprend à Sofia Coppola à préparer des gnocchis. La scène est visible sur YouTube, et on peut donc facilement la partager afin de faire comprendre rapidement la référence. Mais le jour où YouTube décidera que ce type de contenu – les extraits de film – est interdit sur sa plateforme, ou soumis à un abonnement, comment sera-t-il possible de partager ces références ?

Nous sommes de plus en plus dépendants de plateformes pour connaître et consulter du contenu, et ces plateformes s’isolent de plus en plus du World Wide Web qu’avait imaginé Tim Berners-Lee. Netflix, Amazon Prime, Hulu, Disney+… pour ne parler que des contenus vidéos, sont autant d’univers clos vers lesquels il est quasi-impossible de faire des liens. Donc des univers hermétiques à l’hypertexte. Par extension, on pourrait également inclure la presse écrite dans cette réflexion. La propagation des paywalls – devenus incontournables sur certains sites – empêche également la propagation libre du contenu sur le Web. Réfléchissez-y. Combien de fois vous êtes-vous retenu de partager un article avec vos collègues ou amis parce que celui-ci était uniquement disponible en accès payant ? Sans remettre en cause les besoins économiques des éditeurs, ou de la production de contenu, le constat est là : partager des ressources ou des références sur le Web s’avère de plus en plus compliqué.

La rareté des communs

Un chiffre assez parlant illustre ce fait : depuis 2016, le piratage de contenus digitaux ne cesse de régresser. Une bonne nouvelle pour les ayant-droits, mais un phénomène qui montre bien la soumission économique de la culture sur le Net : la facilité d’usage des plateformes, comme Netflix, et la complexification des méthodes de piratage a fait basculer la philosophie de partage du Net dans un monde marchand.

Où peut-on encore aujourd’hui créer du contenu gratuit ? Et où peut-on encore partager des connaissances ? En dehors de certains cercles fermés, et de la gestion du patrimoine commun, les lieux de partage réels – et gratuits – sont de plus en plus rares. En fait, ils ont souvent été assimilés par les plateformes. Qui veut publier un article professionnel va sur Medium ou LinkedIn. Qui veut partager des contenus vidéos va sur YouTube. Qui veut donner accès à des photos va sur Instagram. Les exemples sont multipliables à l’infini. Et ils ne valent pas que pour la sphère privée, ils sont aussi valables pour les institutions – comme ces grands musées qui proposent le partage de leurs collections via Google.

Disparitions…

Cette dépendance aux grands acteurs du Net pour le partage du contenu n’est pas sans poser quelques problèmes quant à la pérennité des contenus. Quid demain d’un changement de politique éditoriale ou d’un abandon pur et simple des plateformes ? Les exemples existent : la modification des conditions générales de Tumblr en 2018 a provoqué la disparition de nombreux contenus, et les pannes de MySpace la même année ont voué aux oubliettes nombre de compositions originales qui ne retrouveront jamais l’oreille du grand public.

Cette consumérisation du Net pose également de nombreuses questions sur l’avenir des contenus digitaux : comment rendre disponibles des contenus qui intéressent des niches – et proposent un modèle économique pauvre – comme de vieux films en noir et blanc ? Et comment assurer une création qui ne soit pas uniquement portée par la rentabilité, et donc des scénarios ou des acteurs/réalisateurs bancables ?

En laissant le choix des contenus disponibles aux seules plateformes, ne risque-t-on pas une standardisation de ceux-ci au mépris de la création originale ? Standardisation poussée plus loin encore par des algorithmes de recommandation qui créant des bulles cognitives.

Un vaste problème, mais pour lequel une solution : recréer des espaces de création !

Envie de connaître la suite de l’histoire ? L’épisode 7 d’As We May link est déjà disponible :


As We May Link, c’est un voyage au cœur de l’hypertexte que vous propose l’agence de design digital Plan.Net France : 8 épisodes au cours desquels on parle de la façon dont créons des liens, des origines de l’hypertexte, des menaces qui pèsent sur lui et des opportunités que nous avons à le développer. Huit épisodes à retrouver sur ce blog, et sur les réseaux sociaux.