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Les tutoriaux fleurissent aux quatre coins du Web depuis le début de l’année. Vous n’avez pas pu vraiment passer à côté : les intelligences artificielles génératives sont devenues, en moins de 6 mois, les armes absolues de n’importe quelle stratégie éditoriale et SEO. Et à en croire les gourous du secteur, ces IA peuvent réellement tout faire : identifier les sujets porteurs à mettre en avant sur vos sites, structurer votre propos pour qu’il accroche l’internaute et surtout rédiger les contenus à la chaîne.

Contenu dont vous n’avez plus qu’à bourrer votre CMS pour ressortir très vite en bonne position sur une infinité de mots-clés porteurs de valeur et de ROI. Une nouvelle recette miracle donc.

Mais en vérité, rien n’est si simple. Et si les outils génératifs peuvent bien aider au déploiement d’une stratégie éditoriale mûrement réfléchie en amont, ils ne sont pas pour autant la réponse à tout. Loin de là. Le recours à l’intelligence, et la plume, humaine semble encore avoir de beaux jours devant lui pour qui entreprend d’accompagner de véritables entreprises dans leur stratégie de référencement naturel.

Un génie qui ne sait pas tout faire

De tous les outils de création intelligente de contenus apparus sur le Net ces derniers mois, ChatGPT est sans doute celui qui a fait couler le plus d’encre virtuelle. D’abord présenté comme une interface conversationnelle, il a très rapidement trouvé sa place dans la boîte à outil du Content Marketing. Et c’est vrai qu’à toute première vue, son modèle et les résultats qu’on peut en tirer sont assez impressionnants.

Chacun, ou presque, des professionnels du numérique a pu tester les possibilités de la plateforme générative d’openAI. Mieux que de répondre simplement à des questions, elle peut incarner une opinion – à condition que celle-ci reste éthique et dans les règles d’utilisation édictées par ses concepteurs – et défendre un argumentaire précis sur un sujet donné. Elle peut rédiger ses contenus sous une forme prédéfinie (une recette, une liste d’étapes, des phrases courtes ou des formules précises…). Elle peut également aborder une infinité de thème, en un temps record. Bref, ChatGPT fait montre d’une largesse de gamme et d’une agilité dans la rédaction sans aucun rapport avec les capacités humaines.

De là à crier au remplacement des rédacteurs, il n’y a qu’un pas.

Les raisons de cette performance et de cette facilité à produire rapidement du contenu sur tout et n’importe quoi ? Au-delà de la prouesse technologique que représente le Large Language Model sur lequel ChatGPT se base, c’est sans doute l’impressionnante quantité de connaissances sur laquelle ce modèle a été entraîné qui l’explique le mieux. Des articles, des contenus, des textes par millions, couvrant des milliers de sujets et chacun rédigé dans un style bien particulier. Contenu et style que l’intelligence artificiel a pu analyser, décortiquer et enfin reproduire, à défaut de le comprendre.

Car oui, l’IA est avant tout une formidable machine à… reproduire.

Éviter les écueils artificiels

C’est là le principal piège de ce qu’on appelle les intelligences artificielles génératives utilisées dans le cadre d’une stratégie marketing : penser qu’elles sont autre chose que des photocopieuses très douées – des perroquets stochastiques pour reprendre l’expression de la chercheuse américaine Emily Bender – et s’imaginer qu’elles sont réellement dotées d’une intelligence. Car aucune des IA présentées au cours des dernières années n’est capable de réellement comprendre ce qu’elle écrit.

Elles restent des machines purement rhétoriques, capables uniquement de donner à leurs productions un aspect crédible sans se soucier du contenu réel partagé. Les démonstrations se sont multipliées au cours des derniers mois : les différents testeurs de l’IA ont vu apparaître successivement des citations erronées, des sources fantaisistes, voire clairement inventées et parfois des références à des auteurs ou scientifiques qui n’ont simplement jamais existé. De quoi jeter le doute sur tout contenu produit par des machines.

C’est que les IA ne connaissent ni le vrai, ni le sens des mots. Elles sont conçues avant tout pour assembler ces mots et en faire des phrases compréhensibles et crédibles. Elles peuvent donc être induites en erreur par des sources trompeuses. Comment savoir combien d’erreurs, intentionnelles ou non, se sont glissées dans les peta-octets dont elles se sont nourries pendant leur entraînement ?

Surtout, elles ne peuvent pas challenger la vérité de leur production, seulement sa vraisemblance. Alors, souvent, elles inventent des contenus dont la structure grammaticale, dont le sens est parfaitement plausible. Mais qui n’est pas vrai pour autant. Le faux, c’est l’un des risques aujourd’hui de l’usage des IA génératives pour le marketing de son entreprise. 

Les plus grands promoteurs de l’IA, comme Microsoft et Google, ont d’ailleurs commencé à prévenir leurs utilisateurs sur ces écueils.

Un usage humain de l’IA

Si l’on ne peut garantir la véracité des contenus produits par les modèles génératifs, est-il alors prudent d’user de l’intelligence artificielle pour produire les contenus de sa marque, que ceux-ci aient une portée simplement SEO ou plus ambitieuse ?

La réponse semble évidente : la promesse d’une automatisation totale de la production de contenu et du remplacement de votre équipe de rédacteurs par des robots dans les mois qui viennent semble n’être qu’un épouvantail posé par quelques vendeurs de solutions miracles.

Tous les retours d’expérience, dans le domaine de la rédaction, partagés ces derniers mois montrent que l’humain a encore pleinement sa place dans la sphère éditoriale digitale. Et pour de nombreuses raisons. D’abord parce que si ce que l’IA écrit n’est pas fiable – en termes de véracité de l’information – il est important que l’humain reste partie prenante de l’aventure pour vérifier chacun des propos avancés. Ensuite parce que, même si les robots semblent avoir des qualités de plume certaines, il reste peu probable qu’ils maîtrisent demain le tone of voice précis de votre marque, son identité, ses imaginaires. La capacité à ciseler à texte pour en faire quelque chose qui correspondra réellement à votre brand identity restera résolument humain, même avec l’augmentation de la compétence des algorithmes.

Enfin, et c’est la meilleure raison, parce qu’aujourd’hui aucune intelligence artificielle n’est capable de créer du contenu sans qu’on lui dise exactement quoi créer. Si les modèles génératifs peuvent bien entendu aider à identifier un sujet ou un angle, comme un sparing partner ou comme le Dr Wilson aide le Dr House à trouver le diagnostic, ils le font car l’humain les challenge, les requête, les interroge. La révolution dans le monde de la rédaction Web que pourrait engendrer l’intelligence artificielle générative, c’est l’émergence d’un nouveau métier de prompt designer, un spécialiste capable de faire produire à une machine un texte le plus proche possible du brief du client. Un métier précis, certes. Demandant une compétence technique, oui. Mais un métier qui aura toujours besoin de comprendre à la fois l’ADN d’une marque et la stratégie de communication d’une entreprise. Un métier de communicant.

Crever la bulle générative

L’IA n’est donc qu’un outil. Un outil que de nouveaux spécialistes vont apprivoiser et s’approprier. Un outil qui permet déjà et permettra plus encore demain de créer, sans doute plus rapidement, une plus large quantité de contenus pour les marques. Et c’est l’écueil principal des outils génératifs pour le SEO et la communication digitale de manière plus large : le raz-de-marée.

En rendant plus simple la création de contenus, en faisant la promesse de la mettre à la portée de tous, les plateformes comme ChatGPT abaissent les barrières qui empêchaient certains acteurs d’avoir des stratégies éditoriales à bas coûts et agressives. Elles permettent à certaines entreprises d’industrialiser leur production de contenu. Au risque de saturer un marché du contenu déjà bien près de l’overdose.

Une vague de création éditoriale risque donc vite de déferler sur le Web. Elle a d’ailleurs déjà commencé, il vous suffit de chercher les mots-clés « regenerate response » (intitulé du bouton permettant d’obtenir une réponse alternative dans l’interface de ChatGPT) sur Google pour s’en convaincre. Une vague qui affectera les résultats des moteurs de recherche et le comportement des internautes mais seulement jusqu’à la prochaine mise à jour des algorithmes de Google.

La tendance actuelle est de penser que la bulle de l’IA se dégonflera comme s’est percée celle du métaverse, cet univers virtuel qui allait, il y a un an à peine, révolutionner notre rapport au numérique et au monde. La vérité est sans doute plus proche du scénario suivant : les IA resteront, mais comme un outil, pas comme une révolution. Un outil de plus dans la boîte des spécialistes du marketing digital et qui leur permettra d’améliorer et d’optimiser leur production. Mais qui ne sera ni indépendante, ni ne remplacera l’intervention humaine. Loin de là.

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