C’est devenu une habitude depuis plus de vingt ans. Google annonce régulièrement des mises à jour de son algorithme de classement des sites Web et édicte tout aussi régulièrement des recommandations quant à la façon de créer, maintenir et faire vivre les sites Web. Parfois, ces recommandations concernent le contenu, d’autres fois la technique ou la façon dont les sites Web sont liés entre eux par l’intermédiaire de liens.

Les dernières communications de Google, fin mai, suivent une tendance de fond dans les recommandations du moteur : faire de l’UX, c’est désormais aussi faire du SEO.

A la découverte des Core Web Vitals

Retour sur lannonce de fin mai. Google a rendu disponible dans sa Search Console un rapport dédié à ce qu’il appelle les Core Web Vitals, trois nouvelles données qui évaluent la vitesse de chargement d’un site et surtout la façon dont celui-ci se comporte à l’écran face aux internautes. Ces trois nouvelles données s’ajoutent à l’estimation du temps de chargement des pages (FCP, First Content Paint) qui existait déjà dans différents outils fournis par Google.

Si l’on veut résumer, et comprendre, ce que sont désormais les Signaux Web Vitaux pour Google, voici ce qu’il faudrait retenir :

  • FCP – First Content Paint : premier indicateur, il évalue le temps de chargement initial de votre page, c’est-à-dire le temps que met à apparaître à l’écran le premier élément graphique, qu’il s’agisse de texte, d’image ou de n’importe quel autre type d’élément. Avant ce premier affichage, le visiteur de votre site ne voit sur son écran de smartphone qu’une page blanche, et peut donc légitimement se demander si votre site fonctionne.
  • FID – First Input Delay : en complément, cet indicateur mesure le temps que met à apparaître le premier élément interactif de votre page, lien ou champ de formulaire. Il mesure donc, en complément, le temps d’inactivité potentiel de l’internaute. Avant cet événement, le visiteur de votre site doit se contenter de regarder l’affichage des éléments mais ne peut cliquer pour afficher un contenu plus précis ou accéder à une autre page de contenu. Autant de temps perdu si votre visiteur est décidé sur les actions qu’il veut mener.
  • LCP – Largest Contentful Paint : avec cet indicateur, Google continue son exploration du chargement des pages. Il mesure ici le temps que met à apparaître à l’écran le contenu qu’il juge le plus important sur celle-ci. Il s’agit en général d’une photo, mais cela peut également être une vidéo ou un paragraphe de texte particulièrement long. Le chargement de cet élément peut donner à l’internaute que la page est complète, ou en tout cas qu’il peut commencer à interagir sans manquer une information cruciale pour la suite de son parcours
  • CLS – Cummulative Layout Shift : dernier indicateur, il mesure la stabilité de la page. Vous l’avez tous vécu, rien n’est plus énervant que ce moment où vous vous apprêtez à cliquer sur un lien et que le bandeau d’acceptation des cookies fait brusquement bouger. Au mieux, il ne se passe rien, au pire, vous avez alors cliqué sur une bannière publicitaire. Google privilégie les pages « stables », c’est-à-dire dans lesquelles aucun élément ne change de place au cours du chargement.

On le voit bien, ces quatre indicateurs ne sont pas uniquement techniques – même s’ils dépendent énormément de l’optimisation techniques des sites Web. Ils concernent avant tout l’expérience utilisateur.

Pour vous donner une idée de l’impact de ces indicateurs sur l’expérience utilisateur, le rapport PageSpeed Insights évolue d’ailleurs et présente désormais un aperçu visuel du chargement des pages, sous forme de vignettes. Une bonne façon de voir les délais de chargement de chaque élément de vos pages.

Google l’a annoncé, les trois nouveaux indicateurs communiqués fin mai – FID, LCP et CLS – sont aujourd’hui fournis à titre indicatifs. Ils entreront toutefois dans l’algorithme de Google dès 2021, une bonne raison pour travailler leur optimisation dès à présent !

Travailler l’UX d’avant l’UX

En focalisant ses prochaines mises à jour d’algorithme sur ces quatre indicateurs, et sur quelques autres révolutions comme l’abandon progressif de la technologie AMP (Accelerated Mobile Page), Google met en lumière un espace qui était jusqu’ici le trou noir de l’UX.

Les habitués des méthodes d’amélioration de l’expérience utilisateur ne s’étonneront pas du constat qui suit : aujourd’hui, l’ensemble des pratiques qui visent à travailler cette expérience sur une page Web ou un écran d’app mobile se concentrent avant tout sur des wireframes et sur des maquettes. C’est-à-dire sur des représentations finies de l’environnement dans lequel évoluera l’internaute. On y discute, pour la partie UI, de la taille des boutons ou de l’accessibilité des menus de navigation, et pour la partie UX de la logique de l’organisation de l’information ou de l’évidence des enchaînements d’écran dans des process longs. Et c’est déjà énorme.

Mais ce qui se passe avant l’affichage de la page complète, de la maquette finalisée, est souvent laissé aux bons soins de l’IT. C’est une question de performance technique, de rapidité des serveurs, de temps de chargement. Et si tout le monde se met d’accord pour dire qu’une page au chargement rapide contribue à l’excellence de l’expérience utilisateur, peu nombreux sont ceux qui se demandent déjà ce que ce « rapide » veut réellement dire.

Google a d’ailleurs longtemps réduit le chargement de la page à des questions purement techniques. Les outils d’audit fournis par le moteur de recherche, et notamment le PageSpeed Insight, ont avant tout fourni à la communauté SEO des indicateurs et des recommandations purement techniques : réduire la taille des fichiers images, alléger le Javascript et les CSS, diminuer les appels à des serveurs externes. Il n’était pas question ici de confort, mais de performance.

Les Core Web Vitals exposés fin mai sont un changement de paradigme dans la perception de la performance par le moteur de recherche. Les rapports du PageSpeed Insights changent d’ailleurs de forme pour l’occasion.
S’ils restent des indicateurs chiffrés – on ne change pas une culture d’ingénieur aussi facilement – ils se concentrent non plus sur la performance pure, mais sur le ressenti du chargement de la page, en imaginant des questions d’internautes telles Puis-je enfin cliquer ? ou Tout le contenu est-il affiché ? Des questions qui parlent bien de l’expérience utilisateur.

Ces nouveaux critères vont donc obliger certains spécialistes de l’UX à étoffer leurs analyses, et à se pencher sur l’Expérience Utilisateur d’avant l’Expérience Utilisateur, une sorte de perception globale du Web incluant des éléments qui n’ont plus de rapport direct avec l’ergonomie. Une façon de réintégrer de la technique à l’UX et de faire – enfin – sauter quelques cloisons.

Il reste donc six mois pour envisager les bonnes mesures.