A retenir.

Blockchain ? Si la technologie fait beaucoup parler,
les applications réelles tardent à venir.
On fait un point et on décrypte ?

6 mn de lectureBlockchain ? Depuis plus de deux ans, on nous promet la révolution… et pourtant les applications concrètes de cette technologie tardent à venir. Si la démystification du modèle a fait son chemin, il reste à imaginer les façons d’intégrer la Blockchain ailleurs que dans le système bancaire. On explore quelques pistes ?

Block-quoi ?

Sans entrer dans les détails, on peut en résumer le principe comme étant celui d’une base de données distribuée, sécurisée et inaltérable.

Une base de données ? La base de la Blockchain, c’est bel et bien une base de données, chargée de stocker des informations sur un produit, une personne… Cette architecture n’est bien entendu pas destinée à remplacer les données propres d’une entreprise, mais plutôt à en faciliter le partage ou en sécuriser l’accès via des normes de développement et de maintenance très spécifiques. Mais dans sa conception de base, la Blockchain reste une base de données.

Une base de données distribuée ? La différence de base de l’architecture Blockchain est de ne pas stocker l’information en un endroit unique, mais de la distribuer sur une architecture PeerToPeer, c’est à dire qu’un ensemble de machine synchronisées entre elles gardent une trace de l’information de base et garantissent la fiabilité de celle-ci en temps réel… On rapprochera ça de l’architecture DNS en charge de la correspondance entre les noms de domaine et les adresses IP des serveurs – les puristes excuseront les raccourcis.
Cette architecture distribuée offre deux grands avantages :

  • Elle permet d’abord une plus grande fiabilité technique, dans la mesure où la data n’est pas dépendante d’un prestataire mais stockée de manière répliquée sur des milliers de serveurs… De cette façon, l’information est fort logiquement disponible rapidement partout dans le monde, et la synchronisation des serveurs permet d’éviter une altération de la donnée (volontaire ou non) à un moment précis.
  • Elle permet également de donner accès à plusieurs intervenants différents (entreprises, associations, organismes de certification…) à la même donnée sans pour autant ouvrir les portes en grand au système informatique de l’entreprise. L’architecture technique peut alors être envisagée comme support au développement d’une plateforme de traçabilité dans une industrie ou de gouvernance de l’information au sein d’une corporation… On y reviendra un peu plus loin.

Une base de données distribuée et sécurisée ? Aucune donnée n’est stockée en claire dans une architecture Blockchain, tout est cryptée. Et ne peuvent avoir accès à une certaine information que les programmes (et donc les acteurs) qui possèdent la clé de cryptage de cette information précise et ont dont l’autorisation de la consulter ou de la modifier. Encore un point qui répond aux demandes de collaboration entre entreprises.
Ce cryptage permet également de laisser de côté quelques-unes des questions relatives au stockage des données personnelles, puisque dans une gouvernance « normale » de la Blockchain, aucun acteur n’a accès à l’intégralité des données et un profil utilisateur complet ne peut être reconstitué.

Une base de données distribuée et sécurisée et inaltérable ? Les protocoles de la Blockchain, son architecture distribuée et son modèle de cryptage/gouvernance. Dans la Blockchain, on ne peut pas effacer une information, on peut en changer le statut ou les droits d’accès, mais jamais l’effacer. Cela pose d’ailleurs quelques soucis quant au droit à l’oubli, mais c’est fondamental dans le fonctionnement du système global. De plus, tout historique de changement (quoi, quand, par qui…) est conservé et traçable.

On ajoutera au passage que la Blockchain est avant tout une architecture et non pas une norme, même si des discussions avec l’Afnor [1] ou ISO sont en cours pour réellement obtenir un cadrage international et différentes certifications autour de sa mécanique.

Des applications avant tout industrielles

Et concrètement, qu’est-ce qu’on fait avec cette nouvelle architecture ? Les annonces ont été extrêmement nombreuses autour de la technologie BlockChain au cours des dernières années, mais peu d’applications concrètes existent réellement. On est aujourd’hui dans l’overdose de communication, chaque acteur d’un secteur essayant d’occuper un maximum le terrain avant ses concurrents, plus que dans le déploiement des applications pratiques.

Seule application actuelle : le Bitcoin [2]. Cette monnaie virtuelle lancée il y a quelques années repose sur l’architecture de la Blockchain – elle en est même à l’origine – pour assurer la traçabilité et la certification des transactions effectuées entre ses utilisateurs. Au-delà de ça, beaucoup d’annonces et peu de déploiement… Pourtant, on peut imaginer de nombreux usages.

Pour extrapoler sur le concept de traçabilité lié au Bitcoins, certains travaillent notamment à l’utilisation de la Blockchain pour la traçabilité alimentaire : c’est à dire stocker l’information des éleveurs, abattoirs, chaînes de transformation et distributeurs sur une architecture commune et donner la possibilité d’associer une escalope de dinde à un éleveur ou à un animal en particulier. Il peut s’agir là d’un enjeu sanitaire (traçabilité des aliments), voire de gouvernance politique sur une filière industrielle qui utilisent aujourd’hui des données et des outils hétérogènes pour sa traçabilité. Il peut s’agir également d’un enjeu de communication envers le consommateur visant à lui expliquer l’histoire d’un produit et tout le savoir-faire qui a contribué à sa fabrication.

Dans le domaine de la traçabilité, et de la certification des transactions, certains secteurs sensibles de l’économie mondiale comme l’industrie pharmaceutique [3] ou chimique semblent particulièrement enclins à déployer des solutions de type BlockChain. La traçabilité d’un lot de médicament par exemple, et l’assurance que le possesseur de la boîte est bien le dernier interlocuteur identifié dans la « chaîne » peut rassurer sur la véracité d’un produit. La lutte contre les contrefaçons passe aussi par la traçabilité des interlocuteurs.

Autre champ d’exploitation, le futur règlement européen de stockage des données personnelles (GRDP) [4]. Ce règlement impose qu’un utilisateur puisse prendre connaissance de toutes les données personnelles qu’il a semé un peu partout et révoquer « facilement » le droit d’exploitation de ces données aux éditeurs. Ce règlement impose également que ces droits soient traçables et auditables par des organismes indépendants… Entre autres dispositions bien entendu, telle la nomination d’un Data Protection Officer au sein des entreprises… L’architecture Blockchain peut répondre, sous certaines conditions, à certaines de ces dispositions et permettre d’envisager l’architecture Data du futur. A l’heure où la donnée client s’annonce comme le « carburant du futur » pour l’économie mondiale, les architectures décentralisées peuvent avoir un rôle à jouer dans une plus grande sécurisation de cette richesse.

Encore ? La donnée industrielle peut être un champ d’expérimentation rêvé pour les technologies de BlockChain. Encore une fois, la facilité de l’architecture BlockChain à se déployer sur des workflows sécurisés peut en faire un modèle d’architecture pour le suivi des outils de production ou le monde des transports. Un suivi des données de différents capteurs ou des compte-rendu d’interventions sur un réseau de métro peut par exemple bénéficier de l’architecture BlockChain pour dialoguer avec des prestataires extérieurs – professionnels ou amateurs – de manière normalisée. Plus prosaïquement, la SNCF envisage également l’exploitation de la Blockchain pour la vente ou l’échange de billets de train en Peer-to-Peer [5].

Bien entendu, la BlockChain est un outil « technique » avant tout et ses déploiements sont avant tout pensés en termes d’architecture. Mais son déploiement pourrait avoir également un impact sur la façon dont le consommateur accède à l’information, et surtout à quelle information : centralisée, consolidée, certifiée. Peut-être une nouvelle révolution Data ?